Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/265

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dan jusqu’à Gassendi et Hobbes, dans une gradation qui varie du doute timidement caché à l’ironie consciente. À la même disposition d’esprit, se rattache la tendance à ne faire qu’une apologie équivoque du christianisme ou de certaines théories et à mettre en lumière avec insistance les faces qui prêtent à la critique. Quelquefois, comme chez Vanini, perce à travers le masque l’intention de prouver le contraire ; d’autres fois, comme dans le commentaire de Mersenne sur la Genèse, il est difficile de préciser la pensée de l’auteur.

Quiconque ne voit absolument dans le matérialisme que son opposition à la foi de l’Église pourrait ranger parmi les matérialistes Pomponace et nombreux successeurs plus ou moins hardis ; mais, si l’on cherche un commencement d’explication matérialiste et positive de la nature, on ne trouvera rien de semblable, même parmi les scholastiques les plus éclairés. Cependant le XIVe siècle nous présente un exemple, unique, il est vrai, qui se rapproche d’un matérialisme décidé. En 1348, à Paris, Nicolas d’Autrecour (51) fut condamné à désavouer plusieurs assertions, celle-ci entre autres : Dans les phénomènes de la nature, il n’y a pas autre chose que le mouvement des atomes s’unissant ou se séparant. Voilà donc un atomiste déclaré au milieu de la domination exclusive de la physique d’Aristote ! Ce savant téméraire osa dire aussi qu’il fallait mettre Aristote et Averroès de côté et étudier directement les choses elles-mêmes. Ainsi nous voyons l’atomisme et le principe d’expérimentation se donner déjà la main !

Avant qu’on pût étudier directement les choses, il fallait que l’autorité d’Aristote fût brisée. Tandis que Nicolas d’Autrecour faisait, dans un isolement complet, autant que nous pouvons le savoir jusqu’à ce jour, une tentative infructueuse en ce sens, l’Italie préludait, par les violentes attaques de Pétrarque, à la grande lutte des humanistes contre les scholastiques.

La lutte eut lieu au XVe siècle et, bien qu’ici les relations