Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/271

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quelles la matière nous apparaît, elle ne les emprunte pas à un autre être, elle ne les reçoit pas du dehors, mais elle les tire d’elle-même, elle les lait sortir de son propre sein. Elle n’est pas ce prope nihil à quoi certains philosophes ont voulu la réduire, en se mettant en contradiction avec eux-mêmes ; elle n’est pas une puissance nue, pure, vide, sans ellîcacité, sans perfection et sans action ; si par elle-même elle n’a pas de forme, elle n’en est pas privée de la même manière que la glace est privée de chaleur, l’abîme de lumière. Elle ressemble plutôt à l’accouchée, qui, par ses efforts convulsifs, pousse l’enfant hors de son sein. Aristote aussi et ses successeurs font naître les formes de la puissance intérieure de la matière plutôt que de les faire provenir en quelque sorte de l’extérieur. Mais au lieu de voir cette puissance active dans le développement intérieur de la forme, ils n’ont en général voulu reconnaître cette puissance que dans la réalité développée, bien que la manifestation complète, sensible, expresse d’une chose ne soit pas la cause principale de son existence, mais seulement une suite et un effet de cette existence. La nature ne produit pas ses œuvres, comme l’industrie humaine, par voie de retranchement et d’assemblage, mais seulement par la séparation et le développement. Ainsi enseignèrent les plus sages des Grecs, et Moïse, quand il décrit la naissance des choses, fait ainsi parler l’être actif et universel : « Que la terre produise des animaux vivants ; que l’eau produise des êtres vivants ! » c’est comme s’il disait : que la matière les produise. Car, chez Moïse, le principe matériel des choses est l’eau ; aussi dit-il que l’intelligence active et organisatrice, qu’il appelle esprit, planait sur les eaux ; et la création se fit par la puissance productrice qu’il leur communiqua. Ils veulent donc tous que les choses naissent, non par assemblage, mais par séparation et développement ; aussi la matière n’existe-t-elle pas sans les formes, bien au contraire elle les contient toutes, et en développant ce qu’elle porte en elle-même de voilé, elle