Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/319

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les sépare nettement de l’époque actuelle. Hobbes et Gassendi vivaient à la cour ou dans les cercles aristocratiques de l’Angleterre et de la France. De la Mettrie était protégé par le grand Frédéric. Le matérialisme des deux derniers siècles les trouvait son appui dans l’aristocratie laïque ; l’attitude de ce système vis-à-vis de l’Église variait en partie avec les rapports que l’aristocratie et les cours entretenaient avec le clergé. Au contraire, le matérialisme de nos jours a une tendance essentiellement démocratique ; il ne s’appuie que sur son bon droit, sur le droit d’exprimer sa conviction et sur l’accueil que lui fait le public ; or le public est familiarisé avec les résultats de la science, mêlés à un grand nombre de théories matérialistes et rendus accessibles sous la forme la plus tacile à saisir. Ainsi, pour comprendre la transformation néanmoins remarquable qui s’est opérée entre le matérialisme du XVIIe siècle et celui du XVIIIe, nous devrons étudier l’état des hautes couches de la société et les modifications qui s’y opérèrent alors.

Ce qui frappe principalement, c’est la marche que prirent les choses en Angleterre, durant la deuxième moitié du XVIIe siècle. Le rétablissement de la royauté y fut suivi d’une violente réaction contre la rigidité excentrique et hypocrite du puritanisme, qui avait dominé pendant la Révolution.

La cour de Charles II favorisait le catholicisme tout en s’adonnant à un libertinage effréné. Les hommes d’État de cette époque étaient peut-être, dit Macaulay (34), les membres les plus corrompus d’une société corrompue ; leur frivolité, leur passion pour le jouissances, n’étaient surpassées que par l’immoralité avec laquelle ils faisaient de la politique le jouet de leur ambition, au mépris de tous les principes politiques.

La frivolité en matière de religion et de mœurs caractérisait alors les cours. La France, il est vrai, donnait le ton : sa littérature dite classique, alors dans tout son éclat, son