Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/361

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d’une satire voltairienne. L’œuvre au total est rédigée avec gravité, calme, clarté et simplicité. Maintes questions philosophiques y paraissent même traitées presque avec une certaine timidité, alors que Leihnitz, dont Voltaire met souvent les idées à contribution, procède avec plus de hardiesse et de logique que Newton. Voltaire exalte Leibnitz qui déclare que Dieu, pour tous ses actes, a des motifs déterminants. Newton pense au contraire que Dieu a fait bien des choses, par exemple, le mouvement planétaire d’Occident en Orient, uniquement parce qu’il l’a décidé ainsi, sans qu’on puisse donner à cet acte d’autre motif que sa propre volonté. Voltaire sent que les arguments, employés par Clarke dans sa polémique contre Leibnitz, sont insuffisants et il cherche à les renforcer par des arguments à lui. Il ne se montre pas moins hésitant dans la question du libre arbitre (18). Plus tard, il est vrai, nous trouvons dans Voltaire le résumé précis d’une longue dissertation de Locke (19) : « être libre, c’est pouvoir faire ce qu’on veut, non pouvoir vouloir ce qu’on veut », et cette thèse, bien comprise, s’accorde avec le déterminisme et avec la théorie de la liberté chez Leibnitz. Mais la Philosophie de Newton (1738) nous montre Voltaire encore trop asservi aux doctrines de Clarke, pour pouvoir arriver à une netteté parfaite. Il croit que la liberté d’indifférence est possible, mais dénuée d’importante. La question n’est pas de savoir si je puis poser en avant le pied gauche ou le pied droit sans autre motif que ma volonté ; l’important est de savoir si Cartouche et Nadir-Schah auraient pu s’abstenir de répandre le sang humain. Ici naturellement Voltaire, d’accord avec Locke et Leibnitz, pense que non ; mais la difficulté est d’expliquer ce non. Le déterministe, qui cherche la responsabilité dans le caractère de l’homme, niera qu’il puisse se former en lui une volonté durable, en opposition à ce caractère. Si le contraire arrive en apparence, cela prouve simplement que, dans le caractère de cet homme, sommeillaient et pouvaient se réveiller des forces auxquelles