Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/376

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matière n’est qu’une réaction de l’impression matérielle reçue ; dans cette réaction (subjectivement !) les mouvements libres de la machine résultent exclusivement du jeu organique (c’est-à-dire mécanique !) de la machine (35). Ce principe est dès lors suivi jusqu’au bout avec logique, mais aussi avec discrétion. Ainsi, par exemple, si une impression sensible pousse l’âme à désirer quelque chose, tout le phénomène se réduit à l’action mécanique que les fibres pensantes du cerveau exercent conditionnellement sur les libres du désir ; et si, par suite de mon désir, je veux étendre le bras, cette volonté n’est que la face intérieure, subjective, de la série strictement mécanique des processus de la nature, qui, partant du cerveau, met le bras en mouvement à l’aide des nerfs et des muscles (36).

Kant, en reprochant à l’hylozoïsme de tuer toute philosophie naturelle, ne peut atteindre le point de vue où s’est placé Robinet. La loi de la conservation de la force, pour parler le langage de notre époque, est valable chez Robinet pour l’ensemble de l’homme phénoménal, depuis les impressions des sens, résultant des fonctions du cerveau, jusqu’aux paroles et aux actions. Avec une grande sagacité, il rattache à cette assertion la théorie de Locke et de Voltaire sur la liberté : être libre, c’est pouvoir faire ce que l’on veut et non pouvoir vouloir ce que l’on veut. Le mouvement de mon bras est volontaire, parce qu’il a eu lieu en vertu de ma volonté. Considérée extérieurement, la naissance de cette volonté est naturellement aussi nécessaire que le rapport de cette volonté avec sa conséquence. Mais cette nécessité naturelle disparaît pour le sujet, et la liberté subsiste seule. La volonté n’obéit subjectivement qu’à des motifs de nature intellectuelle, mais ceux-ci dépendent objectivement des processus qui s’effectuent dans les fibres correspondantes du cerveau.

On voit ici de nouveau combien le matérialisme, lorsqu’il est logique, nous ramène toujours et la limite où expire tout