Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/380

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fois apprécié la valeur, s’appliquait même encore, vers la fin du XVIIe siècle, à la doctrine cartésienne. Malgré cela, le cartésianisme gagna peu à peu du terrain ; et, vers la fin du XVIIe siècle, lorsque déjà les symptômes de temps meilleurs se manifestaient dans beaucoup d’esprits, nous trouvons de nombreuses plaintes sur la propagation de l’« athéisme » par la philosophie cartésienne. Les orthodoxes ne furent jamais plus prodigues qu’à cette époque de l’épithète d’athée. Il paraît toutefois qu’en Allemagne, les esprits désireux de liberté s’attachèrent étroitement à une doctrine avec laquelle les jésuites en France s’étaient déjà réconciliés (43).

De là vint aussi que l’influence de Spinoza en Allemagne se fit sentir à mesure que le cartésianisme y jetait de plus profondes racines. Les spinozistes ne forment que l’extrême gauche dans l’armée qui combat la scholastique et l’orthodoxie ; ils se rapprochent du matérialisme autant que peuvent le permettre les éléments mystico-panthéistiques de la doctrine de Spinoza. Le plus remarquable de ces spinozistes allemands fut Frédéric-Guillaume Stosch, auteur de la Concordia rationis et fidei (1692). Cet ouvrage, lors de son apparition, fit sensation et scandale, au point qu’à Berlin celui qui en recélait un exemplaire était menacé d’une amende de 500 thalers. Stosch nie formellement l’immatérialité et l’immortalité de l’âme. « L’âme de l’homme se compose d’un mélange convenable de sang et d’humeurs, qui affluent régulièrement par des canaux intacts, et produisent les différentes actions volontaires et involontaires. » « L’intelligence est la meilleure partie de l’homme ; c’est par elle qu’il pense. Elle se compose du cerveau et de ses innombrables organes, qui sont modifiés de diverses manières par l’afflux et la circulation d’une matière fine, également modifiée de diverses manières. » « Il est clair que l’âme ou l’intelligence, par son essence et sa nature, n’est pas immortelle et n’existe pas en dehors du corps humain (44). »

Plus populaire, plus incisive fut l’influence des Anglais,