Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/393

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pensées que l’on avait empruntées à de la Mettrie, parce qu’on s’était séparé de lui avec une unanimité et une énergie de protestations qui déroutaient les contemporains.

Avant tout, rétablissons l’ordre chronologique ! La méthode introduite par Hegel dans l’histoire de la philosophie nous a légué d’innombrables fantaisies. On ne peut, à vrai dire, parler ici de fautes, du moins au pluriel ; car Hegel, comme on le sait, construisait la véritable série des idées d’après les principes qu’il avait posés ; et, comme Ponce-Pilate, il se lavait les mains quand la nature s’était trompée en faisant naître un homme ou un livre quelques années trop tôt ou trop tard. Ses disciples ont suivi ces errements, et même des hommes qui ne reconnaissent plus le droit de violenter ainsi l’histoire, subissent pourtant encore la funeste influence de Hegel. Zeller, par exemple, a su préserver son Histoire de la philosophie grecque de presque toutes ces insultes faites à la chronologie, et, dans son Histoire de la philosophie allemande depuis Leibnitz, il s’efforce toujours de se conformer à la marche réelle des choses. Mais, quand il touche, en passant, au matérialisme français, il le fait apparaître, malgré la circonspection de son style, comme une simple conséquence du « sensualisme » emprunté par Condillac à l’ « empirisme » de Locke. Zeller, il est vrai, montre que de la Mettrie déduisit cette conséquence, dès la première moitié du XVIIIe siècle (54). La routine veut que Hobbes, un des penseurs les plus influents et les plus originaux des temps modernes, soit entièrement négligé, relégué dans l’histoire politique ou traité comme s’il n’était que l’écho de Bacon. Puis Locke, en popularisant et en adoucissant le rude hobhisme de son temps, apparaît comme le père d’une double série de philosophes, anglais et français. Ces derniers se succèdent dans un ordre systématique : Voltaire, Condillac, les encyclopédistes, Helvétius et finalement d’Holbach. On s’est si bien habitué à ce classement que Kuno Fischer, en passant, fait de de la Met-