Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/406

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Orné de toutes les fleurs de la rhétorique, cet écrit s’efforce de persuader autant que de prouver ; il est rédigé avec la conviction et l’intention de trouver dans les classes éclairées un accueil favorable et de faire une rapide propagande ; c’est une œuvre de polémique, destinée à frayer la voie à une théorie, non à prouver une découverte. En même temps, de la Mettrie ne néglige pas de s’appuyer sur la large base des sciences naturelles. Faits et hypothèses, arguments et déclamations, tout est réuni pour conduire au même but.

Soit pour ménager un meilleur accueil à son œuvre, soit pour mieux se cacher, de la Mettrie la dédia à Albert de Haller. Cette dédicace, dont Haller ne voulut pas, fit que la querelle personnelle de ces deux hommes se mêla à la question scientifique. Malgré cela, de la Mettrie réimprima cette dédicace, qu’il regardait comme le chef-d’œuvre de sa prose, dans les éditions postérieures de son ouvrage. Cette dédicace contient un éloge enthousiaste du plaisir que procurent le sciences et les arts.

L’ouvrage lui-même commence par déclarer qu’il ne doit pas suffire à un sage d’étudier la nature et de rechercher la vérité ; il faut encore qu’il ait le courage de publier ses idées au profit du petit nombre de ceux qui veillent et peuvent penser ; la grande masse est incapable de s’élever jusqu’à la vérité. Tous les systèmes des philosophes, relativement à l’âme humaine, se réduisent à deux ; le plus ancien est le matérialisme, l’autre le spiritualisme. Demander avec Locke si la matière peut penser équivaut à demander si la matière peut indiquer les heures. La question est de savoir si elle peut le faire en vertu de sa propre nature (66).

Avec ses monades, Leibnitz a posé une hypothèse inintelligible. « Il a spiritualisé la matière au lieu de matérialiser l’âme. »

Descartes a commis la même faute en admettant deux substances, comme s’il les eût vues et comptées. — Les plus prudents ont dit que l’âme ne peut être reconnue qu’à la lu-