Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/43

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également la vraie face des choses. Nous ne connaissons la vérité, la réalité de rien.

Cette conclusion, un disciple de Lange, Vaihinger, n’hésite pas à la dégager de l’œuvre du maître et à la formuler dans toute sa désespérante rigueur. Est-ce bien celle de Lange ? En avons-nous fini avec les fluctuations de sa pensée, nous ne pouvons dire de son système ? Sommes-nous certains au moins d’une chose, à savoir que rien n’est certain ? Ce serait là, sans doute, une proposition contradictoire, qui se détruirait elle-même ; mais enfin nous aurions saisi le dernier mot de Lange.

M. de Hartmann, dans sa récente réponse aux critiques de Vaihinger, a mis habilement en relief le nihilisme sceptique de Vaihinger, en poussant à l’extrême le subjectivisme critique que ce dernier emprunte à Lange. Il imagine spirituellement entre le philosophe et une dame un dialogue sentimental et philosophique, où la dame finit par repousser fièrement les tendres déclarations d’un galant trop peu convaincu de la réalité de ses charmes et de son existence même. Mais M. de Hartmann fait surtout le procès à Vaihinger. Il voit très-bien que le subjectivisme du second s’emporte bien au delà de limites où le sens éminemment pratique du premier fait effort pour se contenir.

Lange, en effet, à tant d’autres contradictions, que nous lui avons déjà reprochées, en joint une nouvelle, la plus heureuse, si l’on veut, mais à coup sûr la plus flagrante de toutes. Son idéalisme subjectif repose, comme celui de Fichte, sur un dogmatisme moral très-décidé. La loi du devoir, l’obligation de subordonner l’individu au tout est affirmée par lui, avec insistance et énergie, comme la plus