Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/449

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contre le forfait et la conviction que l’idée d’une perturbation dans l’ordre du monde qui s’associe à cette indignation est une idée humaine, incomplète et insuffisante.

« Reste seulement à indiquer l’origine de ce désordre, qui n’est que trop réel. »

Cette origine se trouve dans les idées de l’homme ; c’est là qu’elle gît, et Voltaire n’a rien prouvé de plus. Or l’entendement humain, dépourvu de logique et de méthode, alors même qu’il appartient à l’homme le plus spirituel, a de tout temps confondu ses idées empiriques avec la nature des choses en soi, et il est probable qu’il agira de même dans la suite.

Sans entrer pour le moment dans une critique approfondie du système de d’Holbach, critique qui se produira d’elle-même dans le cours de notre ouvrage, nous nous bornerons à dire que les matérialistes, en démontrant victorieusement la régularité de tout ce qui arrive, restent trop souvent dans ce cercle d’idées avec des vues étroites, qui nuisent considérablement à l’exacte appréciation de la vie intellectuelle, en tant que des conceptions purement humaines y jouent un rôle légitime. L’esprit critique refusant leur prétendue objectivité aux idées de téléologie, d’intelligence dans la nature, d’ordre et de désordre, etc., il s’ensuit souvent que l’on déprécie trop la valeur de ces idées pour l’homme, et qu’on va même jusqu’à les rejeter comme des noix creuses. D’Holbach reconnaît, il est vrai, un certain droit d’existence à ces idées prises comme telles. L’homme, dit-il, peut s’en servir, pourvu qu’il conserve son indépendance à leur égard et qu’il se dise qu’il a affaire en elles, non à des réalités extérieures, mais à des conceptions qui ne les représentent pas exactement. Que ces idées, qui ne correspondent nullement aux choses en soi, doivent être tolérées dans le vaste domaine de la vie, non-seulement comme des habitudes d’enfance commodes et inoffensives, mais encore que, malgré et peut-être même à cause de leur origine