Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus naturel de conclure : puisque l’homme, être matériel, pense réellement, il s’ensuit que la matière a la faculté de penser ? » D’Holbach maltraite pareillement Leibnitz avec son harmonie préétablie, et surtout Malebranche, l’inventeur de l’occasionnalisme. Il ne se donne pas la peine de réfuter ces philosophes d’une manière approfondie ; il se contente de répéter toujours que leurs principes fondamentaux sont absurdes. À son point de vue, il n’a pas entièrement tort ; car, si l’on ne sait pas admirer les pénibles efforts de ces hommes pour donner une forme précise à l’idée qui vivait en eux, si l’on examine leurs systèmes d’après le pur raisonnement, il n’y a peut-être pas d’expression de dédain assez forte pour caractériser la frivolité et l’étourderie avec lesquelles ces philosophes tant admirés fondaient leurs systèmes sur de pures chimères. D’Holbach voit partout l’influence exclusive de la théologie et méconnaît complètement la tendance qui pousse l’homme à créer des systèmes de métaphysique, tendance aussi essentielle, ce semble, à notre nature, que celle qui nous porte à faire, par exemple, de l’architecture. « Nous ne devons pas nous étonner, dit d’Holbach, de voir les hypothèses aussi ingénieuses qu’insuffisantes, auxquelles les préjugés théologiques forcent les plus profonds penseurs des temps modernes d’avoir recours, toutes les fois qu’ils essaient de concilier la nature spirituelle de l’âme avec l’influence physique d’êtres matériels sur cette substance immatérielle, et d’expliquer la réaction de l’âme sur ces êtres ainsi qu’en général son union avec le corps. » Un seul spiritualiste le mettait dans l’embarras, et nous retrouvons ici la question fondamentale dont notre théorie tout entière nous rapproche de plus en plus. C’était Berkeley, évêque anglican, entraîné certainement plus que Descartes et Leibnitz par des préjugés théologiques et arrivant néanmoins à une conception de l’univers plus logique et plus éloignée, en principe, de la foi de l’Église que celle de ces deux philosophes.

« Que dirons-nous d’un Berkeley, qui s’efforce de nous