Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons vu, à plusieurs reprises, combien il est difficile, impossible même pour le matérialisme, quand il admet des atomes, de rendre compte du lieu ou s’opère la sensation et en général de tous les faits de la conscience (voir p. 240). Sont-ils dans l’union des atomes ? Alors ils sont dans une abstraction, c’est-lt-dire objectivement nulle part. Sont-ils dans le mouvement ? Ce serait la même chose. On ne peut admettre que l’atome, en mouvement lui-même, comme siége de la sensation. Or comment les sensations se réunissent elles pour former la conscience ? Où est cette dernière ? Dans un atome isolé, ou encore dans des abstractions, ou même dans le vide, qui alors ne serait pas vide, mais rempli cl” une substance immatérielle et particulière ?

Pour l’action des atomes les uns sur les autres, le choc est la seule explication plausible. Ainsi une quantité innombrable de chocs se succédant tantôt d’une manière, tantôt de l’autre, produirait la sensation dans l’atome ébranlé. Cela paraît à peu près aussi concevable que la production du son par la vibration d’une corde ou d’une partie de l’air. Mais où est le son ? Finalement, autant que nous pouvons en avoir connaissance, dans l’atome-central imaginé par hypothèse, c’est-à-dire que notre image ne nous est d’aucune utilité. Nous ne sommes pas plus avancés qu’auparavant. Il nous manque dans l’atome le principe compréhensif qui transforme une multitude de chocs en l’unité qualitative de la sensation. Nous nous trouvons toujours en face de la même difficulté. Que l’on se figure les atomes comme on voudra, avec des portioncules fixes ou mobiles, avec des sous-atomes, susceptibles ou non d’« états intérieurs » ; à la demande : comment et où les chocs passent-ils de leur multiplicité à l’unité de la sensation ? non-seulement il n’y a pas de réponse, mais, en approfondissant la question, on ne peut ni se représenter ni même comprendre un pareil phénomène. C’est seulement quand nous éloignons, pour ainsi dire, notre œil intellectuel qu’un semblable concours de chocs à la production