Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/483

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tion et dont cependant l’influence décisive mit fin, pour un moment, au matérialisme et à toute la vieille métaphysique, de l’avis de tous ceux qui étaient à la hauteur de la science.

Toutefois une circonstance, qui contribua à la réalisation d’une réforme si profonde de la philosophie, fut d’abord la défaite, que le matérialisme avait fait essuyer à l’ancienne métaphysique. Malgré toutes les réfutations faites par des hommes compétents, le matérialisme continuait à vivre et peut-être gagnait-il d’autant plus de terrain qu’il se constituait en système d’une manière moins exclusive. Des hommes comme Forster et Lichtenberg penchaient fortement vers cette conception de l’univers, et même des natures religieuses et mystiques, comme Herder et Lavater, admettaient dans la sphère de leurs idées de nombreux emprunts faits au matérialisme. Cette doctrine gagna silencieusement du terrain, principalement dans les sciences positives, si bien que le docteur Reimarus put avec raison commencer ses Considérations par la remarque qu’en ces derniers temps, les opérations intellectuelles, dans différents écrits sur cette matière, pour ne pas dire dans tous, étaient représentées comme corporelles. Voilà ce qu’écrivait, en 1780 un adversaire judicieux du matérialisme, après que la philosophie avait inutilement brisé tant de lances contre ce système. À dire vrai, la philosophie des universités tout entière était alors incapable de faire contre-poids au matérialisme. Le point sur lequel Leibnitz s’était réellement montré plus logique que le matérialisme, n’était pas précisément oublié, mais avait perdu de sa force. L’impossibilité de la transformation d’un mouvement extérieur et multiple en unité interne, en sensation et en idée, est certes mise en relief à l’occasion par presque tous les adversaires du matérialisme ; mais cet argument disparaît sous un fatras d’autres preuves sans aucune valeur ou se montre sans force comme une abstraction en face de l’argumentation matérialiste si vivante. Lorsqu’enfin on traita