Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/484

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d’une manière purement dogmatique la thèse positive de la simplicité de l’âme, et que l’on provoqua ainsi la plus vive controverse, on fit précisément de l’argument le plus fort l’argument le plus faible. La théorie des monades n’a de valeur que parce qu’elle perfectionne l’atomisme en le continuant ; celle de l’harmonie préétablie ne se justifie que comme une transformation indispensable du concept de la nécessité des lois naturelles. Dérivées de simples idées, et opposées purement et simplement au matérialisme, ces deux importantes théories perdent toute force convaincante.

D’un autre côté, le matérialisme aussi était tout-à-fait hors d’état de combler la lacune et de s’ériger en système dominateur. On se tromperait fort si l’on ne voyait en cela que l’influence des traditions universitaires et des autorités civile et religieuse. Cette influence n’aurait pu résister longtemps à une conviction énergique et générale. On était bien au contraire sérieusement fatigué de l’éternelle monotonie de la dogmatique matérialiste ; on désirait être ranimé par la vie, la poésie et les sciences positives.

L’essor intellectuel du XVIIIe siècle était défavorable au matérialisme. Il avait une tendance idéale, qui ne se prononça nettement que vers le milieu du siècle, mais qui se manifestait déjà dès les débuts de ce grand mouvement. Il est vrai qu’en prenant pour point de départ la fin du siècle, il semblerait que c’est seulement la brillante époque de Schiller et de Gœthe que la tendance idéale de la nation l’emporta sur l’aride simplicité de la période rationaliste et sur la poursuite prosaïque de l’utilité ; mais, si l’on remonte à l’origine des courants divers, qui se réunissent ici, un tableau tout différent apparaît alors. Dès la fin du XVIIe siècle, les hommes les plus clairvoyants de l’Allemagne reconnurent combien elle était restée en arrière d’autres nations. Une aspiration vers la liberté, vers le progrès intellectuel, vers l’indépendance nationale se produisit sous des formes diverses sur les terrains les plus variés, tantôt sur un point,