Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/512

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abstraites par des exemples. Là où le mot induction a un sens plus rigoureux et signifie le passage du particulier au général, Aristote était encore disposé (p. 188) à sauter brusquement du particulier au général. « Ainsi, relativement aux diverses branches des sciences naturelles, il a souvent conclu, dans les questions générales comme dans les questions particulières, avec une grande assurance, en se fondant seulement sur un petit nombre de faits, pour aboutir à des lois générales et il a émis des assertions qui dépassaient de beaucoup la portée de ses observations personnelles. » (Voir des exemples, p. 188 et suiv.). Quant aux conclusions a priori, alors qu’il aurait fallu employer l’induction, voir Eucken p. 55. et suiv., 91 et suiv., 113 et suiv., 117 et suiv., etc.

55 [page 86]. Comme le matérialisme anthropologique était le plus familier aux Grecs, nous voyons que la théorie d’Aristote sur l’esprit séparable, divin et cependant individuel de l’homme fut vivement contestée par ses successeurs, dans l’antiquité. Aristoxène le musicien comparait les rapports de l’âme au corps avec ceux de l’harmonie aux cordes des instruments de musique qui la produisent. Dicéarque admettait, au lieu de l’âme individuelle, une force générale de vie et de sentiment, qui ne s’individualise que passagèrement dans des formes corporelles[1]. Un des principaux commentateurs d’Aristote, de l’époque des empereurs, Alexandre d’Aphrodise, ne regardait pas l’esprit séparable du corps, le νοῦς ποιητικός, comme une portion de l’homme, mais seulement comme l’être divin. C’est cet être divin qui développe l’esprit naturel, inséparable du corps et par l’influence duquel l’homme pense et devient capable de science[2]. Parmi les commentateurs arabes, Averroès prit dans un sens purement panthéistique la théorie de l’irruption de l’esprit divin dans l’homme ; au contraire les philosophes chrétiens du moyen âge poussèrent plus loin qu’Aristote l’individualité et la séparation de la raison, dont ils firent leur anima rationalis immortelle. D’ailleurs la doctrine orthodoxe de l’Église veut que l’âme immortelle contienne non seulement la raison, mais encore les facultés secondaires, de sorte que, sur ce point, la véritable opinion d’Aristote ne fut admise presque nulle part.

56 [page 87]. voir Zeller Philos. d. Griechen, 2e éd. III, 1, p. 26.

57 [page 90]. Zeller III, 1 p. 113 et suiv. : « Ayant, dès l’origine, concentré tout leur intérêt sur les questions pratiques, les stoïciens adoptèrent la conception du monde la plus usuelle, celle qui ne reconnaît d’autre réalité que l’existence corporelle accessible à nos sens. Ils cherchaient avant tout dans la métaphysique une base solide pour les actes

  1. Ueberweg, Grundriss, 4e éd. I, p. 198.
  2. Zeller, 2e éd., III, p. 712.