Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/574

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cerne de la Mettrie, on ferait un anachronisme si l’on s’en tenait à l’ordre indiqué par Zeller. — Au reste, la conception hégélienne de cette succession historique est totalement fausse au point de vue de l’enchaînement logique. En France, la progression de Condillac à d’Holbach s’explique tout simplement par cela que le matérialisme, étant plus populaire, devint une arme plus puissante contre la foi religieuse. Ce n’est point parce que la philosophie passa du sensualisme au matérialisme que la France devint révolutionnaire, mais c’est parce que la France devint révolutionnaire pour des causes bien plus profondes que les philosophes de l’opposition adoptèrent des points de vue de plus en plus simples (primitifs), et Naigeon, qui résuma les écrits de Diderot et de d’Holbach, finit par devenir le véritable homme du jour. Quand le développement théorique s’opére sans obstacles, l’empirisme, (par exemple Bacon) mène directement au matérialisme (Hobbes), celui-ci au sensualisme (Locke), qui donne naissance à l’idéalisme (Berkeley) et au scepticisme ou criticisme (Hume et Kant). Cette vérité s’appliquera encore plus nettement à l’avenir, les naturalistes eux-même s’étant habitués à penser que les sens ne nous donnent qu’une « représentation du monde ». Toutefois cette série peut à chaque instant être troublée par l’influence pratique précitée et, dans les plus grandes révolutions, dont les causes intérieures, profondément cachées dans « l’inconscient », ne nous sont encore guère connues que par le côté économique, le matérialisme lui-même finit par ne plus être aussi populaire et aussi victorieux, et l’on voit s’élever mythe contre mythe, croyance contre croyance.

55 [page 338]. Kuno Fischer, Franz Baco von Verulam, Leipzig, 1856, p. 526 : « Le continuateur systématique de Locke est Condillac, après lequel viennent les encyclopédistes… Il ne laisse qu’une conséquence à déduire : le matérialisme dans toute sa nudité. L’école de d’Holbach le développe dans de la Mettrie et dans le « Système de la nature ». »

56 [page 338]. Hettner, II, p. 388 (au lieu de 17-18, L’Homme-machine porte par erreur la date de 1746). — Schlosser, Weltgesch. f. d. deutsche Volk (1854) XVI, p. 145.

57 [page 338]. Voir Rosenkranz, Diderot, I, p. 186.

58 [page 340]. Voir Zimmermann, Leben des Herrn von Heller, Zurich, 1755, p. 226 et suiv.

59 [page 340]]. Dans les indications biographiques, nous suivons parfois textuellement, l’Éloge de M. de la Mettrie, composé par Frédéric le Grand, Histoire de l’Académie royale des sciences et belles-lettres, année 1750, Berlin, 1752. 4, p. 3-8.

60 [page 343]. Dans la première édition, j’indiquais, d’après Zimmermann, Leben des Herrn Haller, p. 226, la fin de l’année 1747 comme