Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/62

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l’Orient eux-mêmes connaissaient et appliquaient les mathématiques à une époque où l’on ne pensait encore en Grèce à rien de semblable ; mais précisément, les mathématiques furent le terrain scientifique sur lequel les Grecs devaient dépasser de beaucoup tous les peuples de l’antiquité !

À la liberté et à l’audace de l’esprit hellénique se joignait la faculté innée de tirer des conséquences, d’énoncer avec précision et netteté des propositions générales, de fixer avec rigueur et sûreté le point de départ d’une recherche, d’en classer les résultats d’une manière claire et lumineuse ; en un mot, les Grecs avaient le talent de la déduction scientifique.

Il est d’usage aujourd’hui, surtout chez les Anglais, depuis Bacon, de déprécier la valeur de la déduction. Whewell, dans sa célèbre Histoire des sciences inductives, est souvent injuste envers les philosophes grecs, notamment envers l’école d’Aristote. Il traite dans un chapitre spécial des causes de leur insuccès, leur appliquant constamment le critérium de notre époque et de notre point de vue scientifique. Constatons qu’il y avait un grand travail à effectuer avant de pouvoir passer de l’entassement sans critique des observations et des traditions, à notre système d’expérimentation si fécond en résultats : il fallait créer d’abord une école de logiciens capables de marcher droit au but immédiat, sans trop se préoccuper des prémisses. Cette école, les Hellènes la fondèrent ; et nous leur devons les principes essentiels de la méthode déductive, les éléments de la mathématique et les règles de la logique formelle (6). C’est, à ce qu’il semble, par une interversion de l’ordre naturel des choses que l’humanité apprit à construire des déductions exactes avant de savoir trouver les vraies prémisses du raisonnement. Mais ce fait cesse de paraître contraire à l’ordre naturel si l’on se place au point de vue de la psychologie et de l’histoire.

Sans doute les spéculations sur l’univers, envisagé dans son ensemble et dans la connexion de ses parties, ne pou-