Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/110

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de recul du torrent idéaliste sur le terrain religieux. L’enthousiasme pour le romantisme dévot et pour le cléricalisme poétique disparut, et fut remplacé par le matérialisme d’une nouvelle foi littérale et d’une foi aveugle au principe d’autorité. Tandis que de Berlin Hengstenberg lançait les esprits dans cette direction, l’école de Tubingue, dans le sud de l’Allemagne, suivant une voie contraire, travaillait avec plus d’ardeur que jamais à miner les traditions ecclésiastiques à l’aide des instruments d’une science implacable. Si ces efforts, combinés d’abord avec l’admiration pour Hegel, dénotaient infiniment plus de véritable idéalisme que n’en montraient Hengstenberg, ses protecteurs et ses adhérents, l’application à la Bible et à l’histoire ecclésiastique d’une critique froide, et rigoureusement fidèle aux exigences de la raison, n’en était pas moins un des signes de l’époque nouvelle, et annonçait le triomphe prochain et universel de l’élément pratique et rationnel.

On ne saurait nier pourtant qu’à côté de ce trait fondamental, qui caractérisait la nouvelle époque et la poussait vers les améliorations pratiques et matérielles, une fermentation intense des esprits fût entretenue par le désir des réformes politiques et par la haine des classes éclairées contre les tendances réactionnaires des gouvernements. Autant l’on se sentait faible sur le terrain politique, autant l’on se sentait fort sur le terrain scientifique et littéraire. Les écrits de la Jeune Allemagne obtinrent, par l’esprit d’opposition qui y régnait, une importance bien au-dessus de leur valeur intrinsèque. Dans l’année 1835, — signalée par l’inauguration du premier chemin de fer en Allemagne, — parurent Madonna de Mundt et Wally de Gutzkow, livre qui valut un emprisonnement à l’auteur pour ses attaques contre le christianisme. Et cependant un autre livre, qui parut la même année, devait porter un coup bien plus sensible au christianisme officiel, alors déjà regardé comme le palladium de toutes les autorités c’était la Vie de Jesus par