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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/279

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indubitable que la nature procède d’une manière qui n’a aucune analogie avec la finalité humaine ; bien plus, les principaux moyens qu’elle emploie sont tels que, apprécies par l’intellect humain, ils ne peuvent être comparés qu’au hasard le plus avenue. Sur ce point, nous n’avons plus à attendre de démonstration ultérieure ; les faits parlent avec une telle évidence, avec une telle unanimité, sur les terrains les plus divers de la nature, que l’on ne peut plus admettre aucune conception de l’univers en opposition avec ces faits et avec le sens que t’en est forcé de leur donner.

Si un homme, pour tuer un fièvre, tirait des millions de coups de fusil dans une vaste plaine et dans toutes les directions si, pour entrer dans une chambre close, il achetait dix mille clefs différentes et qu’il les essayât toutes ; si, pour avoir une maison, il bâtissait une ville et qu’il abandonnât ensuite aux vents et aux intempéries les maisons dont il n’aurait pas besoin, nul ne dirait qu’il agit d’après un plan ; on conjecturerait bien moins encore que de pareils procédés cachent une sagesse supérieure, des motifs secrets et une prudence consommée (58). Or quiconque, dans les sciences actuelles de la nature, voudra prendre connaissance des lois de la conservation et de la propagation des espèces — même des espèces dont nous ne comprenons pas la destination, comme par exemple les vers intestinaux, — trouvera partout une énorme profusion de germes vitaux. Depuis le pollen des plantes jusqu’à l’ovule fécondé ; depuis le grain de semence jusqu’à la plante germante ; depuis cette plante germante jusqu’à la plante adulte, portant à son tour des semences, nous voyons toujours revenir le mécanisme qui, à l’aide de la production par milliers d’êtres condamnés à une mort immédiate, et du concours fortuit des conditions favorables, conserve la vie autant que nous la voyons conservée dans les êtres survivants. La mort des germes de vie, l’insuccès de ce qui a commencé, est la règle ; le développement « conforme à la nature » est un cas spécial entre des