Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessus nerveux étudié objectivement, elle pourrait bien être impossible.

En ce qui concerne la valeur intellectuelle du contenu de la sensation, elle non plus ne pourra guère se laisser séparer complètement du phénomène physique. Un chef-d’œuvre de sculpture et sa copie grossière apportent sans doute à la rétine de l’observateur un nombre analogue d’excitations lumineuses ; mais pour peu que l’œil suive les lignes, d’autres sensations de mouvement se produisent dans les muscles des yeux. Ces dernières excitations étendent plus loin leur action, non d’après la masse absolue du mouvement, mais d’après les rapports numériques les plus délicats entre les différentes impulsions motrices, ce qui ne doit pas nous sembler contraire à la nature, si nous réfléchissons au rôle que les rapports numériques jouent dans la première formation des impressions sensorielles. Il est vrai que précisément ce point fait partie des dernières et plus difficiles énigmes de la nature. Nous n’avons pourtant pas le moindre motif pour chercher en dehors des processus ordinaires de la sensation ce qui à une importance intellectuelle, la sensation façonnée artistiquement ou la pensée ingénieuse. Seulement on ne doit certes pas procéder comme ferait un homme qui voudrait découvrir dans les tuyaux isolés les mélodies qu’un orgue peut produire.

Le concours d’impulsions nerveuses très-nombreuses et extraordinairement faibles, si on les étudie une à une, devra nous donner la clef de l’explication physiologique de la pensée, et la forme suivant laquelle s’opère ce concours est ce qui caractérise chaque fonction prise séparément. Ce qui ici reste inexpliqué, la manière dont le processus externe de la nature est en même temps un processus interne pour le sujet pensant, voilà précisément le point qui dépasse en général les limites de la connaissance de la nature.