Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/440

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tique morale et le libre arbitre de l’homme ; il y a élucidé les relations existant entre la liberté et la nécessité naturelle, et il a fourni en même temps des documents précieux pour la méthodologie de la statistique morale.

En réalité, Wagner aurait pu apprendre de Buckle, dont les écrits ingénieux lui ont plus d’une fois servi de stimulant, que la philosophie allemande a une avance sur toutes les autres dans la théorie du libre arbitre, avance qui lui permet de contempler tranquillement le cours de ces études nouvelles ; car Buckle s’appuie en première ligne sur Kant, dont il produit le témoignage en faveur de la nécessité empirique des actions humaines, tout en rejetant la théorie transcendantale de la liberté (voir sa note à la fin du chap. 1er ). — Bien que, d’après cela, tout ce que le matérialisme peut puiser dans la statistique morale soit déjà accordé par Kant, qui repousse tout le reste (58), il n’est cependant pas indifférent pour la valeur pratique de la direction matérialiste d’une époque, direction opposée à l’idéalisme, de savoir si la statistique morale et, comme nous le désirons, la statistique tout entière, doit être mise ou non en tête des études anthropologiques. Car la statistique morale considère, au dehors, les faits réellement appréciables de la vie, tandis que la philosophie allemande, malgré sa parfaite conviction de la nullité de l’ancienne théorie du libre arbitre, se complaît encore à ne diriger son regard que vers l’intérieur, sur les faits de la conscience. Ce n’est pourtant qu’à l’aide du premier de ces procédés que la science peut espérer obtenir peu à peu des résultats d’une valeur durable.

Il est vrai que, sous ce rapport, les méthodes seront forcées de devenir encore bien plus subtiles et les conclusions encore bien plus circonspectes que celles de Quételet, et sous ce point de vue on peut regarder la statistique morale comme une des pierres de touche les plus délicates pour la pensée exempte de préjugés. Ainsi, par exemple, on continue à tenir pour un axiome que le nombre des actes criminels se produisant annuellement