Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/503

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Dans l’origine, personne ne se propose d’arriver à une pareille situation, pas même les plus puissants et les plus riches, tant que les distances sont modérées. Elle naît sous l’influence de la protection légale, qui a, dans l’origine, un but tout opposé, savoir de maintenir l’égalité et l’équité et de garantir à chacun ses biens, d’après le principe de la propriété privée. Elle résulte, en outre, de la continuité des relations entre citoyens, lesquelles ne peuvent bien se développer qu’après que l’égoïsme brutal a été dompté. Même sans élever l’égoïsme à la hauteur d’un principe, on n’a cependant, à toutes les époques, introduit de l’ordre dans la société que par la constitution de la propriété et sa transmission régulière, alors que la société ne reposait pas encore sur les traditions de l’autorité, sur les rapports de maîtres à esclaves, ce que nous négligeons pour le moment. Or ce sont précisément les institutions de propriété, de protection légale, d’héritage, etc., qui résultent de l’adoucissement des mœurs et amènent l’état de floraison des peuples, ce sont ces institutions qui maintiennent en même temps le fléau croissant de l’inégalité des biens, lequel, arrivé à une certaine hauteur, devient plus fort que tous les contre-poids et ruine infailliblement une nation. Ce jeu se reproduit sous les formes les plus diverses. Une nation moralement plus faible succombe à ce mal, même développé médiocrement ; une nation plus forte, nous dirions construite d’une manière plus avantageuse, peut, comme l’Angleterre actuelle, supporter, sans périr, ce mal élevé à un degré considérable.

À l’état de barbarie, une semblable inégalité de biens, telle qu’elle se rencontre par exemple chez les peuples sur le point de périr, ne saurait se produire ni durer. Là où il y a du butin à partager, le plus fort prend d’abord la plus grosse part pour lui-même ; le plus faible a peut-être les plus rudes souffrances supporter ; mais l’ensemble de sa position, lors même qu’il est réduit en esclavage, ne peut guère devenir aussi différent de celui du puissant que