Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/6

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de la religion est garanti, si elle veut s’appuyer sur la philosophie de Spencer ; mais on ne sera plus, à l’avenir indifférent aux dogmes et aux exigences du credo par lesquels se traduisent les sentiments religieux. Ainsi commence, de même qu’antérieurement en Allemagne, un conflit qui ne peut trouver de pacifique solution que si la religion s’élève dans le domaine de l’idéal.

J’ai été surtout frappé de voir Stuart Mill, dans sa dissertation sur le théisme, le dernier grand ouvrage de sa vie, se rapprocher de si près du point de vue dont la justification est aussi le résultat de mon Histoire du Matérialisme. L’impitoyable empirique, le représentant de la philosophie utilitaire, l’homme qui, dans tant d’ouvrages antérieurs, semblait ne reconnaître que l’autorité de la démonstration, avoue ici que la vie bornée et nécessiteuse de l’homme a grand besoin de s’élever à l’espérance de plus hautes destinées ; et qu’il paraît sage d’abandonner à l’imagination le développement de cette espérance, pourvu qu’elle n’entre pas en conflit avec des faits évidents. De même que la sérénité de l’âme, si universellement appréciée, naît de la tendance à concentrer nos pensées sur le côté le plus beau du présent et de l’avenir, — ce qui revient bien à idéaliser involontairement l’existence ; de même nous devons juger du gouvernement du monde et de notre avenir après la mort plus favorablement que ne nous le permettrait la très-faible vraisemblance scientifique de ces deux conceptions ; bien plus, l’image idéale du Christ est représentée par Mill non-seulement comme une marque de la supériorité du christianisme, mais encore comme quelque chose que l’incrédule lui-même peut s’approprier.

Quelle distance n’y a-t-il pas encore entre ces idées et notre propre conception de l’idéal ? La probabilité minime