Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/86

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en mouvement par Kant, commença sa course impétueuse. Lorsqu’eurent cessé les efforts titanesques de Schelling et de Hegel, parut sur l’avant-scène l’observation sérieuse des sciences positives. À l’antique renom de l’Allemagne, dans la critique philologique, s’ajoutent aujourd’hui de brillantes conquêtes sur tous les terrains du savoir. Niebuhr, Ritter et les deux Humboldt peuvent être cités ici, avant tous les autres, comme initiateurs. Dans les sciences exactes seulement, celles qui nous intéressent le plus relativement au matérialisme, l’Allemagne serait restée en arrière de l’Angleterre et de la France ; nos naturalistes, physiciens et chimistes en rejettent volontiers la faute sur la philosophie qui aurait tout inondé de ses conceptions fantaisistes et étouffé l’esprit des saines recherches. Nous verrons bien ce qu’il y a de vrai dans cette accusation. Qu’il nous suffise de remarquer ici qu’à tous égards les sciences exactes servent le mieux les besoins de la vie pratique, qui nous occupent actuellement, et que leur développement tardif en Allemagne est tout à fait en rapport avec l’ordre de développement que nous indiquons ici.

Nous avons vu, dans le premier volume, que le matérialisme prit pied de bonne heure en Allemagne ; qu’il n’y fut nullement importé de France, mais que par suite d’excitations directes venues d’Angleterre, il jeta de profondes racines chez nous. Nous avons vu que la polémique matérialiste du siècle dernier avait été vive surtout en Allemagne, et que la philosophie dominante, malgré ses triomphes en apparence si faciles, ne prouva dans cette lutte que sa propre faiblesse.

Le matérialisme grandissait indubitablement dans l’opinion publique, alors que depuis longtemps Klopstock avait jeté sur le terrain de la poésie les germes d’un idéalisme luxuriant. Mais le matérialisme ne pouvait se produire publiquement, on le comprend aisément en se rappelant la situation de l’Allemagne à cette époque. Son existence se décèle plutôt par des luttes continuelles que par des créa-