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SOUVENIRS POLITIQUES

effet, cette conduite à l’égard d’un député d’une si haute respectabilité souleva la réprobation générale. Les citoyens de Québec qui tenaient M. Joly en haute estime résolurent de le venger en lui offrant un grand banquet qui eut lieu le 23 février 1878. Il fut présidé par M. David-A. Ross, un libéral de vieille date. Plus de deux cents convives se pressèrent autour de la table pour témoigner de leur estime et de leur admiration au vaillant chef de l’opposition. Généralement, on honore ainsi des gouverneurs, des ministres qui ont accompli de grandes choses ou qui disposent de mille faveurs. Dans le cas présent, le spectacle était bien différent : c’était un vaincu, un homme insulté, vilipendé, un homme qui pendant dix ans, malgré son courage, avait marché de défaite en défaite ; c’était un homme cent fois vaincu qui recevait les honneurs que l’on a coutume d’accorder qu’à un vainqueur. Ce banquet fut le glas funèbre du gouvernement DeBoucherville. On ne commet pas impunément des injustices comme celle que M. Angers avait fait commettre à l’adresse d’un citoyen comme M. Joly. Il aurait dû savoir que pour les ambitieux, soldats, tribuns ou hommes politiques, s’il y a des séides pour les servir et des adulateurs pour les excuser, il y a aussi une conscience humaine après eux, pour les juger et une pitié pour les haïr.