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BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

pour des observations en translation uniforme les uns par rapport aux autres.

À l’origine du développement de la théorie de relativité, en 1905, Einstein a apporté une autre explication assez audacieuse qui consiste à dire ceci : si le fait expérimental donné par l’expérience de Michelson est en somme d’accord avec la théorie électromagnétique, et cependant n’est pas en accord avec l’ancienne cinématique, avec notre ancienne conception de l’espace et du temps et de la composition des vitesses qui s’en déduit, c’est peut-être bien l’ancienne cinématique qui a tort.

Pour arranger les choses, au lieu de construire la cinématique à partir du temps absolu, peut-être pouvons-nous reconstruire la notion du temps en lui donnant une base expérimentale, c’est-à-dire en supposant que chacun des observateurs qui sont liés à la Terre, soit maintenant, soit plus tard, définissent le temps, établissent la concordance des temps comme je l’ai dit tout à l’heure, par des échanges de signaux lumineux. On admet ainsi l’égale vitesse de la lumière dans toutes les directions à la fois pour tous les observateurs en translation uniforme les uns par rapport aux autres.

Alors, la difficulté que soulève l’expérience de Michelson s’interprète d’elle-même, mais il résulte de cette définition même du temps à partir de la propagation isotrope de la lumière que le temps des deux systèmes n’est pas le même, qu’ils ne mesurent pas de la même manière l’intervalle de temps entre deux événements. Il n’y a plus de simultanéité absolue. Nous avons affaire à une nouvelle cinématique.

C’est une voie qui peut paraître un peu détournée. Nous avons dû passer par l’expérience de Michelson qui est venue confirmer une prévision de la théorie électromagnétique. Nous avons constaté que cette expérience donnait le même résultat sur tous les systèmes en translation les uns par rapport aux autres. Nous avons constaté qu’elle n’est pas compatible avec l’ancienne cinématique, et nous avons construit une cinématique nouvelle simplement en donnant à la notion de temps une base expérimentale par les signaux lumineux, au lieu de l’ancienne base a priori.

On aurait pu se passer au fond de cette complication, en constatant, comme l’avait fait Lorentz, sans bien se rendre compte de la signification profonde de sa découverte que la nouvelle cinématique du temps relatif est la seule qui permette aux équations de la théorie électromagnétique de conserver leur forme, quand on passe d’un système d’observateurs à un autre, à condition d’établir des relations convenables entre les mesures faites par les uns et les autres, mesures électriques, mesures d’espace, mesures de temps.

Ce résultat, à savoir que la forme des équations électromagnétiques était la même pour les deux observateurs, grâce à une correspondance convenable entre les mesures, expliquait la relativité des phénomènes optiques, puisque le fait que les lois prennent la même forme veut dire que les phénomènes ont le même aspect, que l’expression des lois de la physique, des phénomènes électriques en particulier, est la même pour les observateurs, quel que soit le mouvement qu’ils ont les uns par rapport aux autres.

Les équations de la théorie électromagnétique admettaient comme on dit un groupe de transformation, pouvaient redevenir les mêmes quand on passait de mesures faites par les uns aux mesures faites par les autres, à condition d’une certaine transformation, d’un certain passage, d’une certaine correspondance entre ces mesures. Et, pour ce qui concerne les mesures d’espace et de temps, c’était précisément cette cinématique nouvelle, cette cinématique dans laquelle le temps n’est pas absolu, dans laquelle l’intervalle de temps entre deux événements n’est pas le même pour des observateurs en mouvement les uns par rapport aux autres, c’était cette cinématique qui était nécessaire pour que les équations de Lorentz conservent leur forme quand on passe d’un système d’observateurs à un autre en mouvement de translation uniforme par rapport au premier.

Tout le détour fait par l’expérience de Michelson aurait pu être évité si l’on avait eu confiance en ceci que les équations de la théorie électromagnétique représentent toutes expériences électromagnétiques et que la propriété de ces équations de conserver leur forme pour certaines transformations représente le fait expérimental de la relativité. On aurait vu que ces résultats impliquent une certaine cinématique qui n’est pas celle du temps absolu. De leur côté, les équations de la mécanique se conservent aussi, interprètent les phénomènes de relativité pour les phénomènes mécaniques. Mais la transformation qui permet de passer d’un système d’observateurs à un autre, quand on conserve les équations de la mécanique, correspond à l’ancienne cinématique. Alors, cette simple constatation que les deux systèmes d’équations, (les équations de l’électromagnétisme fondées sur l’idée d’une propagation de proche en pro-