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BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

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che et les équations de la mécanique fondées sur l’idée d’une action instantanée à distance) admettent toutes deux une transformation qui les conserve mais pour des cinématiques différentes, suffit à montrer qu’elles sont incompatibles, qu’on aura beau combiner les équations de la mécanique, on ne fera jamais que les relations déduites de cette combinaison conservent leur forme pour les transformations de la cinématique nouvelle. Cette simple constatation aurait permis d’affirmer qu’on ne trouverait jamais le moyen de concilier l’ancienne mécanique et la théorie électromagnétique.

Je me résume. Nous sommes ici en présence de deux théories rivales dont nous sommes certains maintenant qu’elles sont en conflit. Ces deux théories se traduisent d’une part par les lois de la mécanique avec le temps absolu et de l’autre par les lois de l’électromagnétisme avec la conception initiale de Faraday à la base. Ces deux théories sont incompatibles. L’une exige la cinématique du temps absolu, l’autre exige la cinématique qu’on obtient en utilisant les signaux lumineux pour établir la concordance des temps et en admettant la propagation isotrope de la lumière, conformément à l’expérience.

Puisqu’elles sont incompatibles, il n’y en a qu’une qui puisse avoir raison.

Pour déterminer laquelle, nous voyons d’une part que l’électromagnétisme nous explique des quantités de choses d’une manière infiniment plus précise que la mécanique, et d’autres choses que la mécanique n’explique pas. D’autre part, cet électromagnétisme va-t-il nous expliquer la mécanique ? La mécanique ordinaire n’est-elle qu’une théorie de première approximation, une théorie assez grossière dont l’autre théorie va nous donner une seconde approximation beaucoup plus précise ? C’est effectivement ce qui s’est passé.

Tout d’abord, la théorie électromagnétique compatible avec la nouvelle cinématique a expliqué toute l’optique, et, en particulier, avec une facilité admirable, un phénomène qui paraissait très complexe, ce qu’on a appelé le phénomène d’entraînement des ondes. Quand de la lumière se propage dans un corps transparent en mouvement, la vitesse de la lumière dans ce corps n’est pas du tout ce qu’on obtiendrait en composant d’après l’ancienne cinématique la vitesse des ondes par rapport au corps, et la vitesse de ce corps par rapport aux observateurs. Il n’y a pas entraînement total des ondes, mais seulement entraînement partiel.

Cet entraînement partiel avait été prévu par Fresnel et vérifié par Fizeau, mais sans correspondre à rien de théorique. Au contraire, Einstein a montré qu’il suffit d’appliquer la loi de composition des vitesses qui correspond à la nouvelle cinématique pour prévoir immédiatement le phénomène d’entraînement des ondes. Cela vous donne une idée de la puissance d’explication de ces nouvelles théories, puisque ce qui était un phénomène extraordinairement compliqué et difficile à comprendre devient simplement de la cinématique, il n’y a qu’à composer au nouveau sens cinématique la vitesse de la lumière par rapport au corps transparent avec la vitesse de ce corps par rapport aux observateurs pour avoir la vitesse des ondes par rapport à ceux-ci.

Il y a plus. Sur cette cinématique nouvelle se fonde une dynamique nouvelle.

Je vous indiquerai simplement ici qu’il est possible de fonder la dynamique, d’établir les lois de la mécanique sans postuler la masse absolue. C’est un fait tout à fait intéressant.

Je vous ai dit tout à l’heure que, dans l’édification de la science ancienne, nous avions d’une part le temps absolu avec ses auxiliaires, le solide invariable et le fil inextensible, et la propagation instantanée, et d’autre part, introduite par Newton, la masse absolue qui se présentait comme un absolu indépendant.

Or, si l’on place la dynamique sur une base physique, on s’aperçoit que la notion de masse absolue est connexe de la notion de temps absolu, que c’est le vieux temps absolu qui est responsable de tout ; il est adéquat à la propagation instantanée et il exige une masse absolue.

On peut fonder toute la dynamique en prenant comme bases expérimentales d’une part le principe de conservation de l’énergie que personne ne met en doute (vous en avez entendu parler ; les phénomènes que nous observons ne sont que des transformations d’énergie s’accompagnant d’échanges d’énergie entre les corps sans échange de matière au sens ordinaire du mot) ; et, d’autre part, le principe de relativité pris dans son sens expérimental, le fait, que personne non plus ne conteste, que le mouvement de translation d’ensemble d’un système matériel ne modifie pas les phénomènes qu’on y observe.

Si, à ces deux principes, qui sont vraiment les piliers, la quintessence d’expériences sur lesquelles la physique est construite, nous associons la cinématique ancienne, celle du temps absolu, nous obtenons la mécanique rationnelle ancienne. On en déduit que l’énergie cinétique est proportionnelle au carré de la vitesse, que la quantité de mouvement se conserve sous la forme habituelle, que la masse