Aller au contenu

Page:Langevin - L’Aspect général de la théorie de la relativité, 1922.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

il devient dans la nouvelle dynamique un des aspects du même principe. L’énergie et la quantité de mouvement ne sont que les composantes d’une même quantité qui est un vecteur à quatre dimensions, l’impulsion d’Univers, et qui se conserve dans tout système matériel isolé.

De sorte que dans la nouvelle mécanique, au lieu d’avoir plusieurs principes de conservation, nous n’avons plus qu’un seul principe de conservation, que nous appelons le principe de la conservation de l’impulsion d’univers, qui comprend les deux notions de la conservation de l’énergie, ou de la masse (ce qui est la même chose), et de la conservation de la quantité de mouvement, sous une nouvelle forme.

Cette conception a reçu une confirmation expérimentale. Elle permet d’expliquer ces petits écarts qui existent entre les masses atomiques et les multiples entiers de la masse de l’hydrogène, qui ont tant embarrassé les chimistes, et rendu impossible pendant longtemps le développement de la théorie de l’unité de la matière.

Nous comprenons aujourd’hui la raison de ces écarts. L’hélium, par exemple, a pour masse atomique 4, alors que l’hydrogène a pour masse atomique 1,008. Nous pouvons cependant affirmer que l’atome d’hélium est certainement le résultat de la condensation de quatre atomes d’hydrogène. Pourquoi n’a-t-il pas une masse atomique qui soit le produit de 1,008 par 4, c’est-à-dire 4,032 ? C’est parce que l’hydrogène s’étant condensé pour former l’hélium, il y a eu perte d’énergie. La matière est restée la même au point de vue des corpuscules positifs et négatifs qui constituent les atomes, mais l’énergie interne ayant diminué, la masse a diminué, et la diminution nous permet de mesurer la quantité de chaleur qui a dû être dégagée.

C’est là que M. Perrin voit l’origine de la chaleur solaire ; ceci nous permet de donner satisfaction aux géologues qui demandent un milliard d’années ou deux pour la formation de la Terre. Les Anciens nous expliquaient la chaleur solaire par la chute de météores, ce qui ne nous donnait que quelques misérables centaines de milliers d’années ; tandis que si l’on admet que le Soleil est formé d’hydrogène et que cet hydrogène se condense pour former l’hélium, on peut admettre une période d’activité solaire de 80 milliards d’années. C’est déjà quelque chose ! c’est une grosse satisfaction donnée aux géologues.

Bien entendu, je n’ai pas le temps de suivre tous les détails de cette admirable synthèse. Mais ceci vous montre quels avantages on obtient lorsqu’au lieu d’introduire la complication des postulats et des notions a priori, on reste fidèle à l’expérience, lorsqu’au lieu d’introduire des souverains absolus comme le vieux père Saturne dont je vous parlais au début, on cherche à donner aux notions fondamentales de la physique un caractère véritablement expérimental, lorsqu’on reprend contact avec la réalité. Comme le vieil Antée, lorsqu’il avait touché la Terre, on y puise de nouvelles forces pour expliquer et prévoir les phénomènes.

La théorie nouvelle permet de comprendre dans une seule synthèse un ensemble énorme de faits, puisque nous y faisons entrer maintenant non seulement l’électromagnétisme qui a conquis l’optique, mais toute la mécanique, toute la théorie cinétique, l’hydrodynamique, la thermodynamique et l’élasticité. Au fond, toute la physique est unifiée et simplifiée. On a pu non seulement expliquer tout ce qu’on connaissait, mais encore prévoir des choses nouvelles.

Je n’ai pas le temps d’insister sur les aspects singuliers de la nouvelle notion du temps, le fait que la simultanéité a un sens relatif, que deux événements qui sont simultanés pour des observateurs ne le sont pas pour d’autres qui se déplacent par rapport à eux. Cela ne présente aucune difficulté au point de vue expérimental ni au point de vue logique.

Les seuls couples d’événements dont on peut intervertir l’ordre de succession par un changement du système de référence, sont composés d’événements tels qu’ils ne peuvent pas agir l’un sur l’autre parce qu’ils sont trop éloignés dans l’espace. Dans ces conditions, lorsqu’il n’y a pas d’action causale possible de l’un sur l’autre, il n’y a aucun inconvénient à ce qu’on les considère comme se succédant indifféremment dans un sens ou dans l’autre. Au contraire, tous les couples d’événements qui sont assez rapprochés dans l’espace pour qu’un signal lumineux parti du premier puisse arriver avant le second à la portion de matière dans laquelle celui-ci se produit, auront un ordre de succession invariable. Il n’y a là aucune difficulté.

Il y a aussi le fait qu’on pourrait s’empêcher de vieillir en allant se promener. Je n’ai pas le temps de vous en parler. Cela ne présente aucune contradiction avec aucun fait expérimental. Cela nous donne simplement un aspect du monde qui est plus séduisant que l’ancien parce qu’il semble nous laisser des possibilités inespérées. Tout de même, en y regardant de près, on voit qu’il y a de gros-