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Page:Langevin - L’Aspect général de la théorie de la relativité, 1922.djvu/4

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BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

sion ont un sens bien défini, une signification absolue. Quand deux événements tels que les présences de deux portions de matière se produisent au même lieu et au même instant, cette coïncidence à la fois dans l’espace et dans le temps peut se traduire par un phénomène, le choc des deux portions de matière par exemple et tous les observateurs quels que soient leurs mouvements les uns par rapport aux autres et quels que soient les procédés qu’ils emploient pour repérer les positions des événements seront nécessairement d’accord sur cette coïncidence. De même si deux événements se succèdent dans une même portion de matière le premier détermine ou influe sur les conditions dans lesquelles l’autre se produit, il intervient comme cause. Cette liaison ayant un sens absolu, tous les observateurs doivent être d’accord sur l’ordre de succession des deux événements dans le temps ; pour personne la cause ne peut être postérieure à l’effet.

L’idée a priori qu’il doit en être de même pour des événements distants dans l’espace tient évidemment à ce que nous imaginons toujours la possibilité d’une action possible d’un de ces événements sur l’autre, d’un lien causal établi entre eux par l’intermédiaire d’une action à distance par signal ou par messager. Pour qu’il en soit ainsi quelle que grande que soit la distance entre les événements et quelque petit que soit leur intervalle dans le temps, il faudrait que nous disposions d’un moyen d’agir ou de signaler instantanément à distance.

La notion de temps absolu se présente ainsi comme solidaire des notions d’action instantanée à distance, d’existence d’ondes se propageant ou de mobile se déplaçant avec une vitesse infinie. La notion de solide invariable c’est-à-dire d’un solide qu’on peut mettre instantanément en mouvement dans toute son étendue ou, ce qui revient au même, dans lequel les ondes élastiques se propagent avec une vitesse infinie, la notion analogue de fil ou de cordon de sonnette inextensible au moyen duquel on pourrait signaler instantanément à distance sont évidemment connexes de la notion de temps absolu. Cette dernière n’aurait de sens expérimental que si les autres correspondaient à des réalités et nous savons bien qu’il n’en est pas ainsi. C’est là un point qu’il importe de souligner tout d’abord pour montrer la faiblesse de cette construction ancienne où le temps absolu jouait un rôle essentiel sans qu’on ait jamais analysé le contenu de cette idée, ni montré sa connexité avec la possibilité sans caractère expérimental d’action instantanée à distance.

Vous savez au contraire comment on procède en réalité pour établir la concordance des temps en des lieux différents, pour régler les unes par rapport aux autres des horloges placées en différents points de la Terre. On échange entre les observatoires ou sont placées ces horloges des signaux réels au moyen de la lumière ou des ondes hertziennes.

C’est précisément là le travail dont s’occupent en ce moment les géodésiens en utilisant la télégraphie sans fil. C’est la tour Eiffel qui est le centre de ce réseau d’horloges dont la concordance est obtenue de la manière suivante :

Des horloges astronomiques sont établies à Paris et dans les autres lieux, à New-York par exemple. Ces horloges sont tout d’abord réglées de manière à avoir la même marche comparée au mouvement des étoiles. On pourrait d’ailleurs, si la Terre était couverte de nuages, se dispenser d’observer des étoiles en envoyant de Paris des signaux périodiques à intervalles égaux à l’unité de temps, et l’horloge de New-York devrait être réglée de manière que son unité de temps concorde avec l’intervalle d’arrivée de deux signaux consécutifs. Il s’agit ensuite de savoir quelle position on doit donner aux aiguilles de l’horloge de New-York pour réaliser la concordance du temps de cette horloge avec celle de Paris. Pour cela nous enverrons de Paris à midi un signal hertzien et nous noterons l’heure de son arrivée à l’horloge de New-York. Nous recommencerons la même opération en sens inverse en notant l’heure d’arrivée à l’horloge de Paris d’un signal hertzien émis par New-York à une heure bien déterminée de son horloge. Nous déduirons de ces indications la quantité dont on doit avancer ou retarder l’horloge de New-York pour que les durées de propagation des deux signaux de sens opposés soient égales, la durée de propagation de chaque signal étant mesurée par la différence entre l’heure de son arrivée à l’horloge du point d’arrivée et l’heure de son départ à l’horloge du point de départ. Si la marche des horloges a été bien réglée la condition ainsi réalisée subsistera au cours du temps ; on pourra d’ailleurs s’en assurer en faisant, comme l’on dit, une remise à l’heure de temps en temps. Nous établissons la concordance des temps en posant comme condition essentielle que les signaux lumineux ou hertziens doivent mettre le même temps pour parcourir une même distance dans des sens opposés. Nous admettons ainsi que la lumière ou les ondes hertziennes se propagent dans toutes les directions avec une même vitesse que des expériences du genre de la précédente montrent égale à trois cent mille kilomètres par seconde.

L’expérience montre d’ailleurs que la concordance ainsi établie sur un système tel que la Terre est parfaitement cohérente, c’est-à-