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La bourgeoisie a d’épouillé de leur auréole toutes les activités jusqu’ici honorables et considérées avec un pieux respect. Elle a fait du médecin, du juriste, du curé, du poète, de l’homme de science ses salariés payés.

Paul Langevin s’est souvent préoccupé de la défense du brevet de l’inventeur et parallèlement, de la constitution d’une propriété de la découverte scientifique, d’un « droit du savant », ou mieux encore : d’un droit collectif des savants. Savait-il que, ce faisant, il rencontrait un ordre de critique et d’intérêt qui avait été familier en son temps à Paul Lafargue ? « Ce serait insulter la bourgeoisie que de lui attribuer un amour désintéressé de la science », disait le 23 mars 1900 l’auteur de la conférence sur Le socialisme et les intellectuels ; la même opinion, avec ses conséquences, s’imposa graduellement à Langevin.

Lorsqu’enfin il proposait de créer un Conseil supérieur des découvertes et inventions scientifiques, se doutait-il qu’il reprenait une grande et féconde idée de Charles Fourier ?

C’est ainsi qu’à force de prendre sa position et sa mission de savant au sérieux, il allait au devant du socialisme, même s’il avait cru, au début, n’agiter qu’une question juridique intéressant l’évolution du droit de propriété,



La vaste expérience du monde, les fréquents voyages qui conduisaient Paul Langevin de Tiflis à Buenos-Aires, de la Pologne à la Chine, l’habitude scientifique de l’exercice du jugement avaient fait de lui un critique perspicace des conditions humaines, des civilisations et des États.

Dans les notes manuscrites qu’il a laissées à propos de tel physicien américain trop enclin à traiter la science en homme d’affaires, on lit, soigneusement encadré d’un trait de plume épais, ce jugement qui, assurément, vise moins un homme qu’une conception de, la vie intellectuelle : « Ce n’est plus de la publica-