Page:Langevin - La notion de corpuscules et d'atomes, 1934.djvu/6

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motion expérimentale, si rapide que nous avons peine à l’incorporer dans les cadres actuels de notre représentation ; difficultés aussi de cette représentation elle-même, qui se trouve confrontée, en apparence au moins, avec des aspects contradictoires de l’expérience.

La sagesse veut que, tout en se comportant de manière pragmatique, en utilisant ce qui réussit, on garde les yeux ouverts sur les difficultés. Comme j’espère vous le montrer après avoir évoqué le passé et retracé le développement progressif de nos conceptions corpusculaires, ces difficultés sont véritablement très profondes, touchent aux conditions mêmes de notre connaissance et à la nécessité où nous sommes d’employer tout d’abord, pour représenter des faits nouveaux, des notions anciennes, des notions acquises au cours d’une expérience antérieure, et qui peuvent ne pas se trouver adéquates aux besoins de la réalité nouvelle ou de l’apparence nouvelle de cette réalité.

C’est précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je voudrais vous en donner une image aussi claire que possible, en m’excusant de commencer par un rappel très rapide du côté expérimental et en quelque sorte réconfortant des choses. Puis, j’entrerai dans la partie théorique qui est la plus délicate et certainement, au point de vue de l’avenir, la plus féconde.

Vous savez — Jean Perrin vous le rappelait tout à l’heure — que notre confiance n’a fait que croître dans la représentation atomique ou corpusculaire, qui a évolué depuis que les philosophes grecs ont imaginé la matière qui nous entoure comme composée de petits grains extrêmement durs et comparables aux objets individualisables dont nous avons l’habitude, mais infiniment plus ténus et représentant la limite de la divisibilité. Cette notion a pris, au cours des deux derniers siècles, une importance considérable, surtout à cause du développement de la Chimie. Perrin revendiquait tout à l’heure pour la Chimie le domaine de la discontinuité. Effectivement, c’est bien la Chimie qui a introduit dans nos connaissances le caractère de discontinuité que présentent ses combinaisons.

La nécessité s’est imposée ainsi de considérer les divers éléments isolés par les chimistes comme constitués par des atomes, tous identiques entre eux, ou plus exactement, depuis que les physiciens s’en sont occupés, chacun de ces éléments comme un