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Dans le domaine qui nous intéresse plus particulièrement, celui de l’éducation, vous savez ce qu’a donné l’attitude scientifique par opposition à l’attitude ancienne, à priori, qui voyait dans l’enfant un être semblable en réduction à l’homme adulte et voulait lui imposer prématurément les manières de penser et de sentir des hommes. Vous savez comment la nouvelle attitude a permis cette chose considérable : la découverte de l’enfant. Vous tous ici êtes mieux qualifiés que moi pour savoir que toutes les méthodes d’éducation nouvelle sont issues de l’observation à la fois précise, affectueuse et tendre des réactions de l’enfant devant la vie. Ces réactions enregistrées de manière véritablement scientifique, calme et humaine sans cesser d’être précise, ont été utilisées pour déterminer la manière dont nous devons traiter, élever et éduquer l’enfant.

Je ne crois pas exagérer en disant que cette grande découverte est un des résultats de l’introduction de l’esprit scientifique dans la solution des problèmes de l’éducation comme nous considérons qu’il doit être introduit dans la solution de tous les problèmes d’ordre humain. J’ai déjà insisté sur le fait que des résultats importants ont été obtenus dans l’ordre économique et social.

Dans un domaine plus élevé encore, celui de la morale, je voudrais défendre l’idée que ce sont les résultats de la science, et aussi bien de la science des choses de la nature que de celle des faits humains, qui permettent d’établir les plus solidement les bases de la morale et de justifier devant la raison les règles relatives à ce que doit être l’attitude de chacun de nous vis-à-vis des autres hommes.

C’est l’effort scientifique et ses résultats qui nous ont donné conscience de l’unité de notre espèce, qui ont mis en évidence et augmentent chaque jour l’étroite solidarité entre tous ses membres, dans l’espace et dans le temps, qui ont répondu à beaucoup des questions posées par les hommes sur le sens de la vie et qui ont calmé beaucoup d’inquiétudes anciennes.

Il est important au point de vue moral que la biologie nous montre l’apparition de formes nouvelles de vie, toujours plus riches et plus hautes, déterminées, non par la lutte pour la vie que le darwinisme a trop étroitement considéré comme le facteur essentiel dans l’évolution des espèces vivantes, non par la lutte qui sait seulement détruire et ne peut rien créer, mais par l’entr’aide et la collaboration qui seules peuvent construire. Nous savons que, toutes les fois qu’une forme nouvelle de vie est apparue, toutes les fois qu’un être plus complexe s’est constitué à partir d’êtres plus simples, plus élémentaires, c’est par différenciation et association, pour que chacun puisse mieux accomplir une des fonctions nécessaires à la vie de l’être nouveau. C’est par l’entr’aide qu’un enrichissement progressif de la vie a pu être obtenu.

La différenciation et l’appui réciproque, voilà les grandes lois auxquelles doit obéir une espèce qui veut vivre de manière toujours plus haute et qu’un instinct profond pousse vers l’apparition d’une conscience de plus en plus claire, comme si l’esprit voulait se dégager de la matière et fleurir sur le monde.

Notre espèce a réalisé, dans une étape récente, une création de ce genre sur le plan national ; il devient nécessaire aujourd’hui pour l’adaptation au milieu nouveau que créent les applications de la science des choses, que la complexité s’élève encore d’un degré, que l’entr’aide, la différenciation et la collaboration s’établissent entre les nations pour déterminer l’apparition consciente et complète de la forme nouvelle de vie que représentera l’ensemble pacifié de notre espèce.

La solidarité entre tous les hommes, dans l’espace et dans le temps, est mise en évidence, d’une autre manière, par la science, non plus biologique, mais physique et astronomique qui nous a récemment permis de situer notre espèce, et le globe qui la porte, au sien de l’univers, de sonder son passé et de nous renseigner, autant qu’il est possible, sur ses possibilités d’avenir.

Depuis la découverte que la Terre est ronde, nous avons exploré notre globe dont nous connaissons maintenant toutes les régions habitables, ainsi que le nombre des hommes et des nations qui s’y trouvent. Je dois dire que c’est là, pour moi, une des raisons les plus importantes de confiance dans la possibilité d’établir la paix et l’harmonie entre les hommes que cette limitation de notre monde, et la certitude que nous ne rencontrerons pas indéfiniment des êtres nouveaux à combattre.

La science qui nous a permis l’exploration de la Terre et qui nous a renseignés sur l’extension de notre espèce, nous a permis aussi de la situer dans l’Univers et