Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/18

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Les Allemands, refoulés en grand désordre des défilés des Vosges et notamment du col de la Schlucht, venaient d’arriver aux portes de Colmar, quand un habitant de la ville, M. S…, depuis longtemps signalé à la haine de l’oppresseur et résolu à lui échapper, comprit que le moment était venu, peut-être, de pouvoir gagner la frontière française.

En effet, quelques compagnies mixtes de chasseurs alpins arrivaient devant la capitale de la Haute-Alsace peu de temps après les troupes débandées du Kaiser, et nos braves soldats, avisant aussitôt une hauteur qui dominait la ville, une sorte d’éperon se terminant du côté de l’est par une falaise abrupte, y grimpèrent hardiment et y mirent en batterie quelques-unes de leurs pièces de montagne.

Sans avoir été vus, ils prirent pour objectif la gare où ils apercevaient de nombreux trains militaires et brusquement ouvrirent le feu.

Deux salves seulement furent tirées, deux salves bien dirigées qui n’atteignirent aucune maison, mais portèrent en plein sur les wagons allemands. Après quoi, démontant leurs pièces et les rechargeant sur les bâts de leurs mulets, nos chasseurs redescendirent dans la plaine pour rejoindre le gros de nos troupes, du côté de Turckheim.

Les Allemands, affolés par cette attaque soudaine et meurtrière, disposèrent précipitamment quelques pièces d’artillerie lourde pour y répondre, et pendant quatre heures, avec une assiduité bien recommandable et une prodigieuse dépense de munitions, ils bombardèrent l’éperon d’où leur était venue cette double bordée.

Ils firent beaucoup de mal à une pauvre petite chapelle isolée qui se dressait sur la hauteur et dont il ne reste plus aujourd’hui que des ruines.

À la faveur du tumulte, M. S… put gagner le large