Il reçoit une troisième balle qui lui traverse l’épaule. Obligé d’abandonner la lutte, perdant trop de sang, il se lève alors et, face à l’ennemi, s’écrie de toutes ses forces :
— Tas de…, ne tirez donc pas toujours sur le même !
Un lieutenant raconte la mort admirable d’un soldat. On va de l’avant, on est en pleine action. Les balles sifflent. Les hommes courent sus à l’ennemi.
Parmi ces hommes je remarquai un grand diable à la figure ouverte et sympathique qui allait à mes côtés en hurlant d’une voix de stentor le couplet « Amour sacré de la patrie… ». Soudain, il s’interrompit, poussa un cri rauque et tomba en portant les mains à sa poitrine : il venait d’être touché. Je m’arrêtai involontairement. Mais lui aussitôt, d’une voix qu’il s’efforçait d’affermir : « Allez, mon lieutenant, moi, ce n’est rien ! ça ne compte pas », me dit-il.
J’allai où m’appelait le devoir, mais je jetai un regard à ce brave qui se dressa un peu sur les poignets et me regarda. Et alors…, par un effort de volonté admirable, il reprit le chant sacré : « Nous aurons le sublime orgueil… de les venger ou de les suivre… » J’eus vite rejoint mes hommes. Nous prîmes la tranchée, nous l’avons conservée… Mais, depuis, je pense souvent à ce brave, dont j’ai recueilli « la dernière Marseillaise ». Il s’appelait Alexandre. C’est tout ce que je sais de lui.
J’ignore pourquoi les « Revues de la presse » n’ont pas accordé la place qu’elle méritait à l’histoire du soldat
- ↑ Raconté par M. Pierre Mille dans Excelsior.