Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/38

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à plat ventre derrière ce frêle obstacle. Il atteint ainsi le premier cadavre et l’enterre, à fleur du sol, il est vrai, mais enfin il lui donne les honneurs de la sépulture. Pendant ce temps les Allemands ne cessent de tirer. Le rempart de briques s’effrite sous les balles. Peu importe ; le zouave est en marche vers le second corps. Il l’enterre comme le précédent, à 100 mètres à peine des tranchées ennemies.

Devant tant d’audace calme, les Allemands ne tirent presque plus. On dirait qu’ils sont touchés par tant de bravoure et qu’ils l’admirent.

Alors, le fossoyeur sublime se lève, tout droit, sans armes, la pelle sur l’épaule. Lentement il atteint le troisième cadavre et l’enterre, profondément celui-là, sans qu’un seul coup de feu trouble le grand silence.

Quand il a fini il s’essuie le front et, toujours face aux Allemands, sans se retourner une seule fois vers nous, il ramasse quelques bouts de bois dont il fait une croix qu’il plante sur la tombe. De nouveau, il se redresse, semble hésiter quelques instants, comme s’il cherchait quelque chose, puis il fait le salut militaire et revient, sans perdre un pouce de sa taille, à sa tranchée.

À peine y a-t-il sauté qu’une salve formidable siffle au-dessus de sa tête.


Comment fut pris le drapeau.

Je reçois l’ordre suivant du chef de bataillon : « Nous avons en avant de nous une tranchée occupée par une quinzaine d’Allemands. Il faut, coûte que coûte, enlever la tranchée à la baïonnette. »

Vois un peu la mine que j’ai faite ! Malgré cela, je ne comprenais pas tout le danger.

Je constituai une section de trente hommes, et, en rampant à plat ventre, je me portai entre deux tranchées allemandes. Nous recevions des coups de fusil de tous les côtés, par devant et par derrière, et je croyais que