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anecdotes françaises

mon heure était arrivée. Mais rien ne m’arrêtait. Je pus mettre ma section en ligne, et, à 30 mètres, je fis ouvrir le feu sur la fameuse tranchée occupée soi-disant par quinze Allemands. À un certain moment, je vis qu’ils agitaient un drapeau blanc pour se rendre. Je fis cesser le feu et leur criai de sortir. Tous se portèrent vers moi en me tendant les mains, en criant : « Camarade ! Camarade ! » Mais, au lieu de quinze, ils étaient soixante-treize, plus dix tués ou blessés. S’ils avaient agi avec le même courage que nous, ils n’avaient qu’à se retourner et tirer sur nous à bout portant, nous y restions tous.

Après avoir ramené tous les prisonniers, je reçus un nouvel ordre de faire une patrouille et d’aller fouiller la tranchée pour voir s’il y avait des mitrailleuses. Je pris avec moi le camarade Cazes, de Betchat, et, avec la pointe de mon sabre, je remuai la paille des abris. Je vis un officier blessé, couché sur un objet long. Quelle fut ma surprise : c’était le drapeau du 69e d’infanterie allemande. Il avait cherché à le cacher, mais trop tard !


Au chant du coq.

Le petit sergent agonisait, mais ne mourait pas. Il avait toute sa tête, et il lui semblait, se raccrochant à la suprême espérance de ceux qui meurent la nuit, que, s’il atteignait le jour, peut-être encore il s’en tirerait. Mais le jour… le jour était si loin !… Il demandait l’heure toutes les minutes, avec angoisse. La sœur, patiente, lui répondait doucement. Vers minuit, comme il étouffait davantage, il dit :

— Est-il déjà 4 heures ?

Et la religieuse eut ce mot divin :

— Presque, mon petit… Encore un peu de courage, et on va être rendu

Mais, soudain, il se désespéra ; il se mit à pleurer ; il geignait : « Il y a un coq… un coq qui, d’habitude, chante à 4 heures… »