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anecdotes pathétiques et plaisantes

— Monsieur le Bourgmestre, dit von der Goltz, la ville a été frappée d’une contribution de guerre dont elle n’a pas encore payé un centime. Je vous ordonne de verser le premier échelon de cette indemnité — c’est-à-dire au moins 5 millions — en or, dans un délai de quarante-huit heures.

— Monsieur le Maréchal, répondit M. Max, dont l’œil pétillait de gaieté, vous serez obéi…

Le jour même, le bourgmestre fit appeler tous les chefs de district de son département et leur donna, à ce sujet, de précises instructions. Il faut croire que celles-ci n’avaient rien que de joyeux, car, quand M. Max les eut détaillées, un formidable éclat de rire fit retentir le bureau.

Les quarante-huit heures du délai accordé étant écoulées, le bourgmestre de Bruxelles se fit annoncer chez le maréchal von der Goltz. Quatre employés de l’Hôtel de Ville le suivaient, ployant sous le poids d’énormes paquets.

— Monsieur le Maréchal, dit M. Max, voici la somme demandée.

Von der Goltz déchira l’enveloppe de l’un des paquets, en sortit une liasse de papiers et l’examina. Puis, blême de colère :

— Comment avez-vous l’audace ?… s’écria-t-il… Je vous ai réclamé de l’or et vous m’apportez des bons de réquisition de l’armée allemande ! Vous vous moquez de moi, Monsieur.

— Ces bons ne sont-ils pas remboursables ? demanda M. Max de son air le plus naïf.

— Évidemment, répondit le maréchal… Mais…

— Mais, dit M. Max, les officiers qui les signèrent m’ont déclaré que c’était de l’or en barre. Je vous rends cet or. Que pouvez-vous exiger de plus ?

Il est vrai que quarante-huit heures après M. Max se voyait arrêter et expédier à la forteresse d’Ingolstadt… Sans aucune élégance, le maréchal prenait sa revanche.