Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
anecdotes russes

Problème.

Un petit soldat en capote grise, décoré de la croix de Saint-Georges, m’a fait part de ce problème, proposé par le commandement au capitaine de sa compagnie :


Un excellent capitaine. Ménageant ses hommes, il ne s’épargnait pas. Fallait-il attaquer, il sortait le premier sous les balles, devant ses soldats. Avec lui, mourir n’est pas terrible ; vaincre est tout à fait facile. Un gai capitaine, rieur, faisant rire. Le rire ? un bon remède contre la peur. Un jour, pourtant, le capitaine cesse de rire. C’est que le commandement lui avait proposé un problème. Le général commandant d’armée avait envoyé seize croix de Saint-Georges, que le colonel répartit, une par compagnie : « Pour le plus brave. » Le capitaine hésite, craignant de se tromper. Il appelle le sergent-major.

— Qui est digne d’être décoré de Saint-Georges ?

— C’est vous, Votre Honneur.

— Ce n’est pas pour moi, mais pour les soldats.

— Alors, j’sais pas, Votre Honneur.

— Quel est le plus brave de la compagnie ?

— Tous, Votre Honneur.

Le capitaine appela les sergents. Mêmes réponses. Alors il prend la croix, va aux tranchées et questionne. Mêmes réponses. Il se fâche, jure :

— Vous en êtes tous dignes ; ce n’est pas ma faute s’il y a moins de croix que de héros. Garçons, je ne peux résoudre le problème.

Silence dans les rangs. Solution impossible, puisque nous sommes tous des héros. Le capitaine va et vient. Les Allemands le repèrent, tirent vers lui les « pruneaux du Kaiser ».

— Votre Honneur, descendez ! Ils vont vous tuer.

— Je ne descendrai pas, répond froidement le chef,