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anecdotes pathétiques et plaisantes

tant que vous ne m’aurez pas dit à qui il faut donner la croix.

Nous eûmes pitié :

— La croix sera pour le premier blessé ! cria quelqu’un.

Le capitaine descendit dans la tranchée. Le problème était résolu.


Le prodigieux cosaque[1].

Terrorisés par la réputation erronée des cosaques, — qui tuent, mais ne martyrisent pas, ne touchent pas aux femmes ni aux enfants et partagent leur pain avec les prisonniers affamés, — les soldats autrichiens fuient devant eux. Certain général ordonna de lui amener à tout prix un cosaque vivant, non blessé ni coupé en petits morceaux, comme on le fait ordinairement. Cette chose invraisemblable (un prisonnier cosaque vivant) fut amenée devant le général, qui était à cheval, entouré d’officiers et de soldats. Délié, nourri, abreuvé, le cosaque dut faire le signe de la croix, montrer celle qu’il portait et servir à la démonstration du général, qui disait qu’un cosaque était un homme comme les autres et qu’il n’y avait nulle raison de le craindre. Puis, il lui fit donner un sabre et montrer comment il coupait les têtes à la volée. On s’amusait, lorsque le cosaque, sautant subitement derrière le général, l’enlaça des deux bras et, donnant du talon, lança le coursier à travers les groupes. Décontenancés, les Autrichiens n’osèrent tirer, de peur de tuer leur chef. Saisissant les brides, le cosaque volait, tandis que son prisonnier était paralysé et comme hébété. Les soldats qu’on rencontrait, étonnés, ne comprenant rien à ce groupe fantastique, livraient passage. Il y eut bien quelques coups de fusil, mais, timides, ils ne portèrent pas. Au reste, le cheval était excellent et il ramena triomphalement à bon port le cosaque et son général.

  1. Raconté dans les Annales, par la comtesse Rostopchine.