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anecdotes sur nos troupes noires

perte de vue le sol et les arbres sont couverts d’une robe blanche qui miroite sous le ciel pur et clair.

Nos soldats dornent. Ils sont à l’abri sous les tentes, hâtivement dressées, et seul au milieu des troupes veille le colonel. Il est 10 heures. L’officier appelle son planton, un tirailleur nègre.

— Va me chercher l’adjudant X…

Après quelques instants le sous-officier arrive.

— Vous allez prendre quatre hommes et, dans la direction de B…, vous irez reconnaître les positions ennemies. Mettez vos treillis blancs et recouvrez vos chaussures. Il est important qu’on ne vous voie pas. Si vous manquez de linge pour recouvrir vos képis, vos armes, découpez des sacs à viande. Soyez de retour dans deux heures, et revenez me voir avant de partir.

— Bien, mon colonel.

L’adjudant s’en va. Le colonel reste seul. Alors il entend une voix timide :

— Ti fâché, colonel ? Mi pas savoir pourquoi.

C’est notre noir qui intervient.

— Mais non… ça va bien…

— Ti pas confiance. Ti m’envoie pas avec les camarades.

— Ça suffit.

Et notre Sénégalais se retire. Dix minutes après, l’adjudant et les quatre hommes commandés sont dans la tente du colonel. Ils sont blancs des pieds à la tête.

— C’est bien, dit le chef, vous pouvez aller.

Soudain, le Sénégalais apparaît en treillis blanc, les pieds enveloppés dans du linge blanc, le fusil dans une sorte de fourreau blanc.

— Mi tout blanc, colonel. Mi peux partir…

C’est un éclat de rire général. L’adjudant sort une petite glace de sa poche et la met sous le nez du tirailleur.

— Et ta figure ?

— Blanche aussi, pour la France,