Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait conçu contre lui une violente animosité. « Soyez sage, instruisez-vous, lui avait dit le Mouni, et revenez à la raison. » Mais Satyavrata s’était montré insensible à sa pénitence : ce qui avait causé un profond chagrin à son père. Indra, partageant la colère de celui-ci, n’envoya point de pluie pendant douze ans. Ce n’était pas assez d’avoir à supporter cette terrible punition, Satyavrata fut encore dégradé des honneurs de sa famille et de sa caste ; et, loin de défendre ce prince banni par son père, l’intention de Vasichtha était d’en appeler le fils au trône, et de lui conférer le baptême royal.

Il y avait douze ans qu’il expiait sa faute et subissait sa peine avec courage, quand, un jour, ne pouvant trouver de gibier, il aperçut la vache nourricière[1] de Vasichtha, cette vache merveilleuse qui suffisait à tous les désirs. Poussé par la colère qui l’aveuglait, par la fatigue et la faim dont il était accablé, ce prince, dominé en cet instant par la passion[2], tua la vache de Vasichtha, et fit manger de sa chair aux enfants de Viswâmitra[3]. À cette nou-

    set des mantras récités en cette circonstance. Si je n’avais pas autant de respect pour l’opinion des savants anglais qui nous ont précédés dans la carrière, j’aurais préféré ce dernier sens. Voy. dans les Recherches asiatiques, tom. vii, le Mémoire de Colebrooke sur les cérémonies des Indiens. Il y parle, à la vérité, des sept pas nécessaires à l’accomplissement du mariage, mais il y fait aussi mention des sept invocations qui les accompagnent.

  1. Je crois qu’il faut entendre par la vache de Vasichtha les domaines affectés à son titre de prêtre, domaines que Satyavrata, qui était en hostilité déclarée avec lui, ne songea point à respecter. Ce n’était pas seulement du lait qu’elle fournissait à Vasichtha, cette vache miraculeuse : dans la querelle qu’il eut avec Viswâmitra, elle lui fournit des soldats Mletchhas ou barbares, qui lui procurèrent la victoire. Je crois donc que l’on désigne par ce mot une partie fertile de l’Inde qui était l’apanage de Vasichtha, ou des princes auxquels il prétait son appui sacerdotal.
  2. L’auteur semble indiquer ici que dans cet état de passion, on est capable de manquer à dix devoirs. Veut-il faire allusion aux dix devoirs désignés par les lois de Manou, lect. vi, sl. 92, ou bien aux dix vices mentionnés dans ces mêmes lois, lect. vii, sl. 47, et cités par le savant Wilson, aux mots दसकानजव्यसन et व्यसन ? Je l’ignore. D’un autre côté, le manuscrit dévanâgari de Paris a inséré deux vers que je n’ai pas traduits, parce qu’ils m’ont paru déplacés ; ils indiquent dix états dans lesquels un homme peut se trouver, quand il commet une faute : l’ivresse, la folie, la fureur, la fatigue, la colère, la faim, la précipitation, la peur, l’avidité, la passion.
  3. Comme ce personnage, ainsi que Vasichtha, apparaît à diverses époques fort éloignées les unes des autres, ne pourrait-on pas regarder le mot de Viswâmitra, qui signifie ami de tous, comme un nom général donné à quelques sectaires ennemis des Brahmanes ? L’histoire de Trisancou semblerait appuyer ma conjecture : ce prince excommunié se jeta dans les bras d’un hérétique, qui lui promit le ciel, lutta contre les Dévas, et eut la puissance de sacrer lui-même son protégé. Viswâmitra est, à mes yeux,