Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/83

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velle, Vasichtha irrité dit au fils du roi : « Misérable ! j’aurais pu te délivrer de ton premier péché, si tu ne l’avais pas aggravé de deux autres. Tu as affligé ton père, tu as tué la nourrice de ton Gourou, et par ces crimes irrémissibles, tu as complété le nombre de trois péchés. Ô homme trois fois coupable (Trisancou) ! » Ainsi dit le saint pénitent ; de là vient le nom de Trisancou donné à ce prince.

Viswâmitra revint chez lui, et apprenant que Trisancou avait nourri sa famille, il voulut lui témoigner sa reconnaissance. Il lui donna le choix d’une récompense. « Je demande, dit le prince, le privilège de pouvoir avec ce corps mortel entrer au séjour céleste. » Cependant la sécheresse des douze années avait cessé ; le Mouni (Viswâmitra) le sacra dans un Srâddha[1] royal, et l’admit aux sacrifices. Malgré les dieux et Vasichtha, il le fit monter au ciel[2], comme il le lui avait promis.

Trisancou épousa Satyarathâ, de la famille de Kêkéya. Il en eut un fils, nommé Haristchandra[3] qui sut se garantir de toute faute. Celui-ci accomplit

    le représentant permanent du protestantisme indien, comme Vasichtha est celui de l’orthodoxie. On voit dans l’histoire de Râma que ce prince devient le disciple de Viswâmitra, quoique Vasichtha soit tout-puissant à la cour. Dans l’Outtara-Râma-tcharitra, Viswâmitra intervient dans le sacrifice du mariage de Râma, et de plus on y trouve Vasichtha et son rival Satânanda bénissant ensemble cette union. J’avais déjà développé cette idée dans une des notes que mon digne et excellent maître, M. de Chézy, avait bien voulu insérer dans sa belle édition de Sacountalâ. Voyez pag. 199.

  1. Le mot est pitrya ou pêtrya, Voy. les lois de Manou, lect. iii, où les cérémonies du Srâddha sont détaillées d’une manière très-minutieuse. Je suppose qu’il est ici question du sacrifice fait en l’honneur de Trayyârouna qui venait de mourir. Cette histoire de Trisancou est très-curieuse, et nous montre l’empire fort ancien exercé au nom de la religion jusque sur les princes, l’interdit lancé sur tout un royaume, et l’administration tombant entre les mains d’un prêtre, le ciel lui-même fermé et devenu d’airain ; mais d’un autre côté, le prince persécuté lutte contre l’excommunication, il élève autel contre autel, et règne à la faveur du schisme qu’il introduit. C’est là de l’histoire ancienne, dont les temps modernes offrent également des exemples.
  2. Le lecteur croira avec moi que cette expression de monter au ciel indique la réhabilitation religieuse de Trisancou, qui fut imposée par Viswâmitra aux Brahmanes, lesquels se sont vengés de cette contrainte en imaginant un conte sur ce prince. Ils prétendent que dans le ciel il a les pieds en haut et la tête en bas, et que de sa bouche coule une salive sanglante, qui tombe sur le Vindhya et lui donne une teinte rougeâtre ; cette salive souille et rend impures les eaux d’une rivière qui sort du Vindhya et qui s’appelle Carmanâsâ.
  3. On dit aussi que Haristchandra demanda à monter au ciel : ce qui veut dire peut-être qu’il continua le schisme. Il voulut même y monter avec ses sujets. Nârada, afin de lui faire perdre quelque chose de ses mérites, l’interrogeait sur ses actions, que ce prince racontait avec la complaisance de l’orgueil. À chaque réponse, Haris-