Page:Langlois - Rig Véda.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
[Lect. III.]
INDE. - POÉSIE LYRIQUE.



HYMNE XVI.

Aux Viswadévas, par Pradjapati.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Quand les Aurores se lèvent le matin, (l’être) grand et immortel naît au foyer[1] où siége la Vache (du sacrifice). (Le poëte) célèbre les œuvres divines. Grande et souveraine est l’énergie[2] des Dieux.

2. Ô Agni, (nous ne voulons pas) être blâmés des Dévas, ni de nos ancêtres, habiles dans la science (divine). Placé entre (le Ciel et la Terre, tu es) la lumière (du sacrifice) pour ces deux mondes antiques[3]. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

3. Mes désirs sont nombreux et pressants. J’ai allumé les feux des antiques cérémonies. Agni brille ; chantons (le dieu à qui l’on donne le nom de) Rita[4]. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

4. Le roi qui brille, toujours le même, en plusieurs lieux, repose au sein (de l’Aranî). On l’apporte sur le bois du foyer ; là, de ses deux mères l’une porte son nourrisson, l’autre s’approche (pour l’allaiter)[5]. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

5. Attaché à la ramée supérieure, il gagne la ramée inférieure, et pénètre au sein des branches. Ces jeunes mères conçoivent Agni, et l’enfantent en rompant leur ceinture. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

6. Cependant le nourrisson, couché près de ses deux mères, se lève promptement ; il se débarrasse de ses langes, et il marche seul[6]. Alors ont lieu les œuvres de Mitra et de Varouna. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

7. Ainsi ce (dieu), chéri de ses deux mères, brillant sacrificateur dans nos saintes cérémonies, se dresse en pointe, tout en se reposant sur une large base. Les (prêtres) au doux langage lui présentent les hommages qui lui sont agréables. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

8. Comme devant le héros qui combat, tout le monde, en s’approchant de lui, baisse le front (avec respect). Entouré des (saintes) Prières, il va travaillant à rendre parfaite la Vache (du sacrifice). Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

9. Messager (divin), il se nourrit de la substance des (branches) qu’il consume ; il grandit, et s’élève avec splendeur entre (le Ciel et la Terre). Il manifeste pour nous les diverses formes, et (d’en haut) jette sur nous ses regards. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

10. (Sous le nom de) Vichnou, (il se fait le grand) pasteur ; il s’empare du poste le plus élevé dans l’air. Agni connaît tous les mondes. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

11. Deux êtres jumeaux, dont l’un est environné de lumière et l’autre de ténèbres, produisent la variété des formes. Ce sont deux sœurs ; l’une est noire, l’autre est brillante. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

12. Il est aussi deux vaches, la mère et la fille, nourrices fécondes qui vivent l’une par l’autre. Je les célèbre toutes deux dans ce séjour de Rita[7], entre (le Ciel et la Terre). Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

13. La vache (de la Libation) vient en mugissant, au milieu des coupes (sacrées), lécher le nourrisson d’Ilâ et lui donne la mamelle. Ilâ s’engraisse du lait de Rita[8]. Grande et souveraine est l’énergie des Dieux.

  1. Cette vache, suivant le commentaire, serait le nuage ; par conséquent le lieu où naît l’être lumineux serait ou la mer ou l’air. Je ne saurais accepter ce sens : l’être lumineux que le poëte désigne ici, c’est Agni dans le sacrifice.
  2. Le mot sanscrit est asouratwam, c’est-à-dire la qualité de ce qui donne la vie, de l’Asoura.
  3. C’est-à-dire pour les hommes et les dieux, habitant les uns la terre, les autres le ciel.
  4. Voy. page 41, col. 2, note 3, et section ii, lect. viii, hymne XI, stance 7.
  5. Nous avons vu ailleurs (page 109, col. 1, note 3) les explications différentes que l’on donne de l’épithète Dwimâtri, attribuée à Agni. Je crois que l’application de ce surnom varie suivant l’esprit du poëte, qui envisage le dieu dans des positions différentes. Les deux mères d’Agni sont tantôt les deux pièces de l’Aranî, dont il est extrait, tantôt les deux libations qui le nourrissent, tantôt, et ici même suivant le commentaire, le Ciel et la Terre. Nous avons vu plus haut dans cette section, lecture i, hymne xxiii, strophe 3, que le dieu Agni est appelé aussi le fils d’Ilâ, c’est-à-dire du foyer qui le soutient. Je pense que dans le passage présent les deux mères que le poëte donne à Agni sont le Foyer et la Libation que l’on verse sur le feu. Le verbe kcheti indique que la Libation repose sur le feu en le recouvrant d’une couche liquide.
  6. Le poëte désigne ici Agni devenu Soleil.
  7. Ce séjour de Rita, c’est le lieu du sacrifice ; les deux vaches, c’est le foyer (Ilâ) et la flamme (Djwâlâ), qui semblent ne pouvoir exister l’un sans l’autre. L’incertitude du commentaire sur ce passage est fort grande. Dans ces deux vaches il voit le Ciel et la Terre ; il explique le mot douhitâ, qu’il attribue au ciel, par ceux-ci doûré hitâ, (placée loin).
  8. C’est-à-dire du sacrifice. Le commentateur veut que la vache de ce passage soit le ciel ; son mugissement, c’est le tonnerre ; sa mamelle, c’est le nuage ; la pluie, c’est la langue dont il lèche le nourrisson de la terre. Rita, suivant lui, c’est Aditya, le Soleil, qui a produit le nuage.