Page:Langlois - Rig Véda.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
[Lect. IV.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

l’air ou en quelque autre lieu, (venez vers nous).

2. J’appelle en ces lieux ces (dieux) en qui résident tant de vertus, et qui accomplissent tant d’œuvres ; j’invite à notre fête ces héros distingués par leur force et invincibles dans leur marche.

3. (Dieux) voyageurs, pour former la lumière, vous poussez (dans le ciel) une des roues éclatantes de votre char. Les autres roulent aussi avec grandeur, à travers les mondes, pendant le temps qui appartient aux fils de Nahoucha[1].

4. (Dieux) irréprochables, qui remplissez tout, et qui êtes déjà nés tant de fois, si les chants que le poëte a composés pour vous ont pu vous plaire, amenez vers nous (votre char) avec la bienveillance d’un ami.

5. Quand la fille du Soleil monte sur votre char rapidement lancé, alors ses rouges et brillants coursiers, placés autour de vous, vous couvrent de leur éclat.

6. Nobles héros (surnommés) Nâsatyas, Atri vous adresse des prières et des offrandes, et sa bouche célèbre votre bienfaisante chaleur.

7. On entend le bruit de votre grand char, de (ce char) rapide et poussé par un mouvement continuel, au moment où Atri vous force par ses œuvres, ô nobles Aswins, à lui prêter votre attention.

8. (Dieux) sauveurs, qui aimez le miel (de nos offrandes), la Vache (du sacrifice) vous arrose de son lait. À l’instant où vous traversez l’océan (céleste), (les prêtres) apportent les mets qu’ils ont préparés pour vous.

9. Ils vous saluent, ô merveilleux Aswins ! ô vous qui méritez principalement d’être invoqués dans les sacrifices, vous qui donnez le bonheur, (venez) assister à nos cérémonies.

10. Que ces rites, qui font la grandeur (des dieux) et que nous produisons comme (l’ouvrier construit) son char, soient heureux et agréables aux Aswins ! Puissions-nous nous vanter du prix accordé à nos hommages !


HYMNE XII.
Aux Aswins, par Pôra.
(Mètre : Anouchtoubh.)

1. Divins Aswins, trésors de prières et de libations, où êtes-vous aujourd’hui ! (Vous venez) du ciel, vous entendez ma voix. Atri vous honore.

2. Où êtes-vous, divins Nâsatyas ? En quel endroit du ciel vous êtes-vous fait entendre ? Quel peuple daignez-vous visiter ? quel (chantre a fait retentir) le bruit de vos louanges ?

3. Quel (mortel) venez-vous trouver ? quel (mortel) visitez-vous ? Dans quelle (maison) amenez-vous votre char ? quel est celui dont vous préférez les hommages ? Nous vous appelons à notre sacrifice.

4. Ô (dieux) qui comblez nos vœux, vous envoyez à Pôra[2] le nuage d’où l’onde jaillit, et (vous le faites tomber sur la terre) de celui qui vous honore par le sacrifice, comme (le chasseur pousse) le lion dans le piége qui l’attend.

5. Vous avez enlevé à Tchyavâna[3] sa vieille forme, comme on enlève une cuirasse. Vous l’avez rendu jeune, et l’avez fait digne de l’amour de son épouse.

6. Le chantre de cet hymne vous est dévoué. Puissions-nous pour notre fortune attirer vos regards. Écoutez ma voix, et arrivez à notre secours, ô (dieux) trésor d’abondance.

7. Au milieu de tant de mortels quel est celui qui vous honore aujourd’hui ? Ô (dieux) dignes d’être célébrés par les sages, ô vous, trésor d’a-


  1. La note 1, page 58, col. 2, essaye de donner une explication sur ce qu’il faut entendre par les roues du char des Aswins. Le passage présent semblerait contrarier un peu le système de cette note. On croirait ici qu’une de ces roues, c’est le soleil ; il en résulterait que les autres roues devraient être les astres de la nuit. Les deux roues des Aswins, ne serait-ce pas le ciel et la terre ? Le commentaire, expliquant les mots nâhouchâni yougâni, donne au mot youga le sens de savana, et au mot nâhoucha le sens de mânouchya ; ce qui n’explique rien. J’ai pensé qu’il fallait rendre à nâhoucha le sens de la racine naha (lier, enchaîner), et entendre : temps où les sacrifices sont enchaînés, c’est-à-dire la nuit. Toute la nature même est alors liée. Mais il est une autre explication que je proposerais de ces yougas de Nahoucha. Adoptant un sens allégorique pour la légende de Nahoucha, changé en serpent, je verrais dans ces révolutions nahouchiennes les révolutions accomplies par les serpents de la nuit, les astres qui serpentent dans les ténèbres dont le ciel est couvert. Je conserverais ainsi à ces mots le sens de périodes nocturnes. Cependant, revenant au sens indiqué par le commentateur, on pourrait supposer que le char des Aswins a trois roues, qui sont les trois savanas. Le savana du milieu du jour est brillant, c’est l’instant de la plus haute splendeur du soleil. Les savanas du soir et du matin ont lieu au moment de l’obscurité, aux heures où le soleil est plus rapproché des enfants de Nahoucha.
  2. Le texte, par un de ces abus de mots si fréquents dans l’Orient, offre le rapprochement de la même expression employée trois fois dans un sens différent. Pôra est le nom du poëte qui a composé l’hymne : il est en même temps un des synonymes du mot nuage et une épithète des Aswins. Le même vers contient ces trois mots ; et c’est sans doute une beauté du style de ces vieux temps.
  3. Voy. page 114, col. 1, note 6.