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[Lect. IV.]
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RIG-VÉDA. — SECTION QUATRIÈME.


HYMNE XXIII.
À Varouna, par Atri.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. En l’honneur de l’illustre, du royal Varouna célèbre un grand sacrifice, accompagné de tout l’appareil qui peut lui plaire. De même que le victimaire étend la peau (de l’animal immolé), Varouna a étendu devant le soleil la (céleste) Prithivî[1].

2. Il a donné l’air aux (branches) des forêts, la force aux chevaux, le lait aux vaches. Il a mis l’âme dans nos cœurs, Agni au milieu des ondes, le soleil dans le ciel, la plante du Soma sur la colline.

3. Varouna a créé ce grand corps qui semble s’affaisser sous son poids[2], et le ciel, et la terre, et l’air. Comme la pluie humecte un champ d’orge, ainsi Varouna, roi du monde, arrose la terre entière.

4. Varouna arrose la terre, l’air et le ciel ; et quand il a besoin de ce lait (céleste), les nuages étendent au loin leur masse ténébreuse, que les courageux (Marouts) poussent avec force.

5. Je chante cette grande magie du célèbre Varouna, uni à (l’esprit) qui donne la vie[3]. Placé au milieu de l’air, il se sert du soleil comme d’une mesure pour arpenter la terre.

6. Personne ne saurait détruire cette grande magie d’un dieu rempli de sagesse. Car il ressemble à une mer immense, que tous ces brillants torrents ne peuvent remplir avec leurs ondes.

7. Ô Varouna, tu as pour nous le caractère d’Aryaman et de Mitra, tu es notre ami, notre frère ; tu es comme notre semblable, qui descend jusqu’à nous. Si nous avons commis quelque faute, ô Varouna, daigne l’effacer.

8. Si des méchants ont, comme dans un jeu (cruel), conçu quelque mauvais dessein, s’il existe quelque trame injuste que nous ignorions, ô divin Varouna, délivre-nous de ces complots ; qu’ils soient éventés. Puissions-nous être sous ta garde fidèle !


HYMNE XXIV.
À Indra et Agni, par Atri.
(Mètres : Anouchtoubh et Virât.)

1. Ô Indra et Agni, le mortel que vous gardez au milieu des combats est sûr de triompher des obstacles les plus forts, comme (jadis) Trita triomphait des paroles (enchantées)[4].

2. Ô Indra et Agni, nous vous invoquons, vous qui êtes invincibles dans les combats et fameux pour vos prouesses, vous qui protégez les cinq espèces d’êtres[5].

3. La force de ces (dieux) magnifiques est triomphante ; leur arme est brillante et acérée. Leurs bras puissants délivrent les vaches (célestes) et donnent la mort à Vritra.

4. Ô Indra et Agni, nous vous prions de lancer vos chars, ô maîtres de la richesse et de la force, ô (dieux) sages, et dignes objets de nos louanges.

5. Je vous invoque, avant tous, ô dieux qui grandissez chaque jour pour les mortels dévoués, dieux invincibles et honorables, qui êtes deux des membres (du grand corps divin)[6].

6. Ainsi, Indra et Agni ont reçu ces offrandes qui procurent la force, et qui, pures comme le ghrita, ont été extraites de nos mortiers. Accordez aux pères de famille une grande fortune ; donnez la richesse à vos chantres, donnez à vos chantres l’abondance.


HYMNE XXV.
Aux Marouts, par Évayâmarout.
(Mètre : Atidjagai.)

1. Ô Évayâmarout[7], que vos hymnes, accompagnés de l’offrande du soma, se produisent en l’honneur de la noble troupe des Marouts, forte,


  1. C’est-à-dire la masse des vapeurs, la nue.
  2. Je suppose que c’est la céleste Prithivî.
  3. Je rends ainsi le mot Asoura. Le nom d’Asoura est ordinairement assigné au dieu de l’air, qui devient le compagnon de Varouna. Varouna signifie le dieu qui couvre, et il est dans cet hymne considéré comme le même que Pardjanya, ou le nuage, qui couvre la surface du ciel.
  4. Voy. page 74, col. 1, note 1, et page 104, col. 2, note 3, la légende de Trita. Pour comprendre le sens que je donne à ce passage, il faut supposer que les ennemis de Trita avaient, pour le retenir, prononcé des paroles puissantes, enchantées.
  5. Voy. page 45, col. 1, note 1.
  6. Le mot ansa est rendu par cette périphrase.
  7. C’est, dit le commentaire, le nom d’un Richi. Cette apostrophe répétée m’a étonné : on dirait que cet hymne est une espèce d’instruction adressée à un personnage de ce nom. Ce mot ne serait-il pas plutôt une épithète d’Agni, donnant, par le sacrifice, l’essor aux Marouts ? J’ai pensé encore quelquefois que c’était un nom collectif de ces dieux (maroutgana), ou bien une épithète de leur char. Il y a là une difficulté venant de l’ignorance où je suis de la nature de ce mot, qui semble être au vocatif. Le commentateur n’est pas embarrassé : il met ce mot à tous les cas qui peuvent lui convenir pour sa traduction. J’ai adopté constamment le vocatif, regardant provisoirement Évayâmarout comme un Richi du sacrifice, qui personnifie le Rite dans lequel les Marouts sont invoqués.