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productions d’autrui, et ils arrivent à ne plus voir, dans les livres d’histoire, que les pièces justificatives et les notes — « l’appareil critique », — et, dans l’appareil critique, que les fautes, ce qu’il y faudrait corriger.

L’hypercritique. C’est l’excès de critique qui aboutit, aussi bien que l’ignorance la plus grossière, à des méprises. C’est l’application des procédés de la critique à des cas qui n’en sont pas justiciables. L’hypercritique est à la critique ce que la finasserie est à la finesse. Certaines gens flairent des rébus partout, même là où il n’y en a pas. Ils subtilisent sur des textes clairs au point de les rendre douteux, sous prétexte de les purger d’altérations imaginaires. Ils distinguent des traces de truquage dans des documents authentiques. État d’esprit singulier ! à force de se méfier de l’instinct de crédulité, on se prend à tout soupçonner[1]. — Il est à remarquer que plus la critique des textes et des sources réalise de progrès positifs, plus le péril d’hypercritique augmente. En effet, lorsque la critique de toutes les sources historiques aura été correctement opérée (pour certaines périodes de l’histoire ancienne, c’est une éventualité prochaine), le bon sens commandera de s’arrêter. Mais on ne s’y résignera pas : on raffinera, comme on raffine déjà sur les textes les mieux établis, et ceux qui raffineront tomberont fatalement dans l’hypercritique. « Le propre des études historiques et de leurs auxiliaires, les sciences philologiques, dit E. Renan, est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir[2]. » L’hypercritique en est la cause.

Le dilettantisme. Les érudits de vocation et de

  1. Cf. ci-dessus, p. 77.
  2. E. Renan, L’Avenir de la science, p. xiv.