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Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/182

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s’est trouvé dans ce cas on a plusieurs questions à poser.

1o Le fait affirmé va-t-il évidemment à l’encontre de l’effet que l’auteur voulait produire ? est-il contraire à l’intérêt, à la vanité, aux sentiments, aux goûts littéraires de l’auteur ou de son groupe ? ou à l’opinion qu’il cherchait à ménager ? La sincérité devient alors probable. Mais ce critérium est d’un maniement dangereux ; on en a abusé souvent, de deux façons. On prend pour un aveu ce qui a été une vantardise (Charles IX déclarant qu’il a préparé la Saint-Barthélemy). Ou bien on croit sans examen un Athénien qui parle mal des Athéniens, un protestant qui accuse d’autres protestants. Or l’auteur peut avoir eu de son intérêt ou de son honneur une toute autre idée que nous[1] ; ou bien il peut avoir voulu calomnier des compatriotes d’un autre parti ou des coreligionnaires d’une autre secte que lui. Il faudrait donc restreindre ce critérium aux cas où l’on sait exactement l’effet que l’auteur a cru utile de produire et le groupe auquel il s’est intéressé.

2o Le fait affirmé était-il si évidemment connu du public que l’auteur, même tenté de mentir, aurait été arrêté par la certitude d’être découvert ? C’est le cas des faits faciles à vérifier, des faits matériels proches dans le temps et l’espace, étendus et durables ; surtout si le public avait un intérêt à les contrôler. Mais la crainte du contrôle n’est qu’un frein intermittent, contrarié par l’intérêt sur tous les points où l’auteur a un motif de tromper ; elle agit inégalement sur les esprits, fortement sur les hommes cultivés et calmes qui se représentent clairement leur

  1. Voir ci-dessus, p. 140.