Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/183

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public, faiblement dans les âges barbares et sur les gens passionnés[1]. Il faut donc restreindre ce critérium aux cas où l’on sait comment l’auteur s’est représenté son public et s’il a eu le sang-froid d’en tenir compte.

3o Le fait affirmé était-il indifférent à l’auteur, au point qu’il n’ait eu aucune tentation de le déformer ? C’est le cas des faits généraux, usages, institutions, objets, personnages, que l’auteur mentionne incidemment. Un récit, même mensonger, ne peut pas se composer exclusivement de mensonges ; l’auteur, pour localiser ses faits, a besoin de les entourer de circonstances exactes. Ces faits ne l’intéressaient pas, tout le monde de son temps les connaissait. Mais pour nous ils sont instructifs et ils sont sûrs, car l’auteur n’a pas cherché à nous tromper.

2e cas. Le fait est de nature à rendre l’erreur improbable. Si nombreuses que soient les chances d’erreur il y a des faits si « gros » qu’il est difficile de les voir de travers. Il faut donc se demander si le fait était facile à constater : 1o A-t-il duré très longtemps, de façon qu’on l’ait vu souvent (par exemple un monument, un homme, un usage, un événement de longue durée) ? — 2o A-t-il été très étendu, de façon que beaucoup de gens l’aient vu (une bataille, une guerre, l’usage de tout un peuple) ? — 3o Est-il exprimé en termes si généraux qu’une observation superficielle ait suffi pour le saisir (l’existence en général d’un homme, d’une ville, d’un peuple, d’un usage) ? Ce sont ces faits grossiers qui forment la partie solide de la connaissance historique.

  1. On dit souvent : « L’auteur n’aurait pas osé écrire cela si ce n’était pas vrai ». Ce raisonnement n’est pas applicable aux sociétés peu civilisées. Louis VII a osé écrire que Jean sans Terre avait été condamné par le jugement de ses pairs.