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bataille entre les partisans de l’histoire de la civilisation (Culturgeschichte)[1], et les historiens de profession restés fidèles à la tradition de l’antiquité ; en France on a eu la lutte entre l’histoire des institutions, des mœurs et des idées et l’histoire politique, dédaigneusement surnommée par ses adversaires « l’histoire-bataille ».

Cette opposition s’explique par la différence des documents que les travailleurs des deux partis avaient l’habitude de manier. Les historiens, occupés surtout d’histoire politique, voyaient les actes individuels et passagers des gouvernants où il est très difficile d’apercevoir aucun trait général. — Dans les histoires spéciales, au contraire (sauf celle des littératures), les documents ne montrent que des faits généraux, une forme de langage, un rite religieux, une règle de droit ; il faut un effort d’imagination pour se représenter l’homme qui a prononcé ce mot, accompli ce rite, pratiqué cette règle.

Il n’y a pas à prendre parti dans cette controverse. La construction historique complète suppose l’étude des faits sous les deux aspects. Le tableau des habitudes de pensée, de vie et d’action des hommes est évidemment une portion capitale de l’histoire. Et pourtant, quand on aurait réuni tous les actes de tous les individus pour en extraire ce qu’ils ont de commun, il resterait un résidu qu’on n’a pas le droit de jeter, car il est l’élément proprement historique ; c’est le fait que certains actes ont été l’acte d’un homme ou d’un groupe donné à un moment donné. Dans un cadre réduit aux faits généraux de la vie politique il n’y aurait pas place pour la victoire de Pharsale ou la prise de la Bastille, faits accidentels et passagers, mais sans lesquels l’his-

  1. Pour l’histoire et la bibliographie de ce mouvement, voir Bernheim, o. c., p. 45-55.