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Pour construire l’histoire générale il faut chercher tous les faits qui peuvent expliquer soit l’état d’une société, soit une de ses évolutions, parce qu’ils y ont produit des changements. Il faut les chercher dans tous les ordres de faits, déplacement de population, innovations artistiques, scientifiques, religieuses, techniques, changement de personnel dirigeant, révolutions, guerres, découvertes de pays.

Ce qui importe, c’est que le fait ait eu une action décisive. Il faut donc résister à la tentation naturelle de distinguer les faits en grands et petits. Il répugne d’admettre que de grands effets puissent avoir de petites causes, que le nez de Cléopâtre ait pu agir sur l’Empire romain. Cette répugnance est métaphysique, elle naît d’une idée préconçue sur la direction du monde. Dans toutes les sciences d’évolution on trouve des faits individuels qui sont le point de départ d’un ensemble de grandes transformations. Une troupe de chevaux amenée par les Espagnols a peuplé toute l’Amérique du Sud. Dans une inondation un tronc d’arbre peut barrer le courant et transformer l’aspect d’une vallée.

Dans l’évolution humaine on rencontre de grandes transformations qui n’ont pas d’autre cause intelligible qu’un accident individuel[1]. L’Angleterre au xvie siècle a changé trois fois de religion par la mort d’un prince (Henri, Édouard, Marie). L’importance doit se mesurer non à la taille du fait initial, mais à la taille des faits qui en sont résultés. On ne doit donc pas a priori nier l’action des individus et écarter les faits individuels. Il faut examiner si l’individu a été en situation d’agir fortement. C’est ce qu’on peut présumer dans deux cas : 1o quand son acte a agi comme exemple

  1. Voir Cournot, o. c., I, p. iv.